Mylène Farmer, on l’aime ou on ne l’aime pas. Moi je l’adore, sans forcément être un pur fan qui sait tout sur tout. J’ai 10 000 raisons de l’apprécier, mais que je ne peux pas toutes les expliciter ici. Le but de cet article ? Vous proposer ma sélection des clips qui ont façonné mon imaginaire d’auteur… et qui sont malheureusement inconnus de la nouvelle génération.
Je vais tâcher, à mon humble niveau, de remédier à cela. Installez-vous confortablement. Ça va être long, mais ce n’est que du kiff.
C’est une blague de Tom Villa (que j’adoooooore, je précise d’avance) qui m’a fait bondir et m’a donné envie d’écrire cet article. Dans une de ses récentes vidéos publiées sur Facebook, il parlait de l’algorithme de suggestion de Netflix et d’Amazon Prime, en citant une relance mail concernant le documentaire consacré à Mylène Farmer et les coulisses de son concert événement de 2019. Avec cette phrase : « J’adore les concerts avec les cercueils qui tombent du plafond ». Oui, je sais : c’est une boutade et ça m’a même fait rire. Vraiment ! Sauf que beaucoup de personnes en France s’arrêtent sur cette idée « glauque » de Mylène Farmer. Et c’est dès lors commettre une grossière erreur que de ne pas aller plus loin que ses a priori.
Mylène Farmer : ça fait plus de 30 ans que ça dure
J’ai toujours adoré Mylène Farmer d’aussi longtemps que je me souvienne. Certains d’entre vous, sachant que je suis gay, vont forcément rouler des yeux en soufflant un « comme par hasard ». Que voulez-vous ? Je ne dis pas que tous les LGBTQ+ aiment forcément Mylène Farmer, Lady Gaga, Madonna ou encore Kylie Minogue (je ne les liste pas toutes, car y a pléthore d’artistes féminines plébiscitées par les gays) car ce n’est pas vrai. Mais force est de constater que ces femmes trouvent écho dans la communauté LGBTQ+ au fil des ans, très certainement pour ce qu’elles créent et/ou encore pour leur engagement envers nous.
Pour Mylène, je ne dirai pas que je suis un fan « pur jus ». Non, je ne connais pas toutes ses chansons, par exemple. Surtout ses derniers albums. Je suis de la première génération qui a grandi avec elle à ses débuts il y a plus de 30 ans et qui a (un peu) décroché ces dernières années. Je n’ai assisté qu’à deux de ses concerts, dont le dernier, incroyable à la Blade Runner, donné en 2019 au U Arena et qui a récemment fait l’objet d’un documentaire en trois parties sur Amazon Prime.
Son côté mystérieux m’a toujours fasciné, tout comme son sens de la com. C’est l’artiste féminine française qui aligne tous les records de vente et de distribution en France ainsi que dans le reste du monde, depuis plus de 30 ans (quand même !), qui écrit et compose ses propres chansons (avec l’aide d’équipes souvent renouvelées), qui fait des shows de dingue à l’américaine et qui, à chaque sortie d’une chanson, créé l’événement… tout en restant ultra-discrète et en fuyant les médias. Une prouesse, surtout en ces temps où rien n’échappe à personne sur le Net, et où les chansons durent en moyenne 2m30 (versus 4m en moyenne y a 20 ans !) à cause d’une nouvelle génération « zappeurs » abonnée à Spotify et consorts, attachée aux réseaux sociaux et matraquée de stars nées sur YouTube.
Mylène Farmer : le pouvoir de se renouveler
Mylène va avoir 60 ans l’année prochaine. 60 ans bordel ! On a beau l’oublier, mais elle est de la même génération que Madonna (deux ans d’âge les séparent). Le point commun des deux femmes ? Elles durent. On les aime ou on les déteste, mais quoi qu’on en dise, elles sont encore là.
Je sais que ça ne se fait pas de se focaliser sur l’âge, mais quand cette information m’a sauté aux yeux au moment de rédiger cet article, j’en suis resté coi. Déjà parce qu’elle ne les fait pas du tout (oui, je sais, ça aussi ça ne se dit pas), mais surtout parce que j’ai recompté plusieurs fois et me suis demandé quel âge elle avait quand elle m’a fasciné pour la première fois.
J’ai donc remonté le cours du temps et me suis rendu compte qu’à la sortie de son clip « Libertine » en 1986, Mylène avait seulement 25 ans. Une jeunesse prodige à la Lady Gaga ; la chanteuse pop américaine naît d’ailleurs cette année-là et émergera sur la scène internationale en 2007 alors âgée de seulement 21 ans.
Dès ses premiers clips, Mylène, dans la France de Mitterrand, impose un style : du cul, du sexe, de la violence, du sang voire la mort, tout en interprétant un personnage féminin comme on n’en voyait pas dans l’industrie musicale française. Du Girl Power bien avant l’heure, dans une société ultra-patriarcale. Elle aimait déranger et bousculait déjà les idées sur le genre ou la liberté sexuelle.
Pour vous resituer, j’ai 41 ans. J’ai été un petit garçon dans les années 80, un ado dans les années 90 et un adulte qui a commencé à bosser dès l’an 2000. Allez savoir pourquoi, en 1991, à 12 ans, je suis fasciné par « Désenchantée », mais je loupe complètement la sortie de son album californien « Anamorphosée » en 1995 (que je découvrirai bien plus tard), alors que « Innamoramento », sorti en 1999, est un choc visuel et sonore mais surtout tactile, car je me suis offert cet album en édition Deluxe, qui était un véritable trésor de packaging. Y a des trucs, comme ça, qui vous sautent aux yeux, et d’autres pas, surtout quand vous aimez une star.
Mylène Farmer : comment elle m’a inspiré
Je ne suis pas un expert ès-Mylène Farmer. Beaucoup le font mieux que moi, et il existe plein de sites internet sur elle, voire des magazines spécialisés. Moi, ici, je vais vous parler d’inspiration. D’où me vient sa fascination pour elle.
Au hasard d’un après-midi nostalgie (grâce à Tom Villa) à visionner ses clips sur Youtube (mis en ligne il y a seulement 4 ans !), j’ai trouvé d’où me venait ma fascination pour elle : elle date de « sa première période musicale », celle des années 80. Que directement ou indirectement, j’ai écoutée alors que j’étais enfant. Et ces clips vidéo ! Beaucoup ne le savent pas, mais Mylène a construit son personnage de rousse incendiaire aux textes ambigus mêlant mort et sexe par l’intermédiaire de clips absolument incroyables, sous l’égide de Laurent Boutonnat, celui qui va la révéler en 1984 en la choisissant pour interpréter son premier tube « Maman a tort ».
C’est lors de cet après-midi visionnage donc que je me suis rappelé d’une chose : quand j’étais un gamin des années 80, Mylène Farmer me faisait peur. Mais comme tout enfant, et c’est un processus psychologique absolument normal, j’ai adoré avoir peur… en continuant à regarder ses clips. Lors de ce moment nostalgie Youtubesque, des choses que j’avais oubliées sont remontées, comme cette poupée super-creepy du clip « Sans contrefaçon » qui me donnait des cauchemars quand j’étais gosse. Et pourtant, je m’en souviens, je regardais ce clip quand il passait à la télé encore et encore, fasciné, mes doigts cachant de façon poreuse mes yeux.
J’ai dès lors compris une chose, moi qui, en tant qu’auteur, écris des histoires à dominante fantastique. Il n’y a pas que des écrivains ou des réalisateurs qui m’ont inspiré. Ça m’a sauté aux yeux : Mylène fait aussi partie de mon imaginaire. Alors que je n’étais qu’enfant, elle a instillé quelque chose en moi avec ses clips dingues, dont certains ont même été diffusés au cinéma, par ailleurs. Autre prouesse. Au cinéma, les gens ! Ça vous en bouche un coin, hein ? Qui d’autre a fait ça en France ? Personne. C’est dire la qualité de ce que vous apprête à montrer. D’ailleurs, plusieurs fois sont sorties dans les années 80-90 des cassettes VHS compilant tous ses clips, réalisés à la manière de court-métrage.
Mylène Farmer : ma sélection des clips « cinéma » à voir absolument une fois dans sa vie
A la sortie de Libertine, j’avais donc 7 ans. À cette époque, on regardait le Top 50 le samedi soir sur Canal+ avec des clips où nudité et sexe étaient présents, à l’heure du souper familial. Quelque part donc, avec sa transgression visuelle, ses textes que personne ne comprenait (forcément, ils sont tous à double sens), sa rousseur incendiaire qu’elle utilisait dans de très rares clips comme une possible référence au Malin, et j’en passe, elle fait partie de ces artistes qui ont nourri mon imaginaire. Et je ne la remercierai jamais assez pour ça.
Voici donc ma sélection de ses clips cinématographiques réalisés dans les années 80, qui m’ont influencé, jeune, et que vous devez absolument découvrir (si vous ne les connaissez pas). Ou revoir. De vrais courts-métrages absolument dingues, dont le plus long dure 18 minutes (!) qui, étrangement, n’ont toujours pas été travaillés en 4K ou proposés en version digitale « cleanée » : ben alors les producteurs, vous attendez quoi ?
Vous comprendrez ainsi pourquoi elle m’a fasciné et surtout pourquoi l’on parle d’elle comme d’une « artiste étrange » : parce que dans les années 80, elle a basculé dans un monde étrange conçu en team avec Laurent Boutonnat, qui a fait d’elle une héroïne de cinéma.
Calez-vous bien dans votre fauteuil ou canapé, car ça va prendre du temps. Si vous avez un ChromeCast, diffusez les clips que j’ai sélectionnés pour vous à la TV : ce sera encore plus spectaculaire !
L’ère la plus créative : « Cendres de lune » et « Ainsi soit-je »
1985 – Plus grandir (7 minutes)
Mylène, pas encore rousse, commence son clip en se baladant dans un cimetière avec une poussette noire. Des bonnes soeurs, un peu de sexe, une maison abandonnée, des paroles ambiguës… : les pierres (pardon pour ce raccourci facile) de son image mystérieuse sont posées en images par Laurent Boutonnat, qui réalisera/coordonnera tous les clips suivants.
1986 – Libertine (10 minutes)
Beaucoup y voient une référence à Barry Lindon, le film de Stanley Kubrick, sorti en 1975. C’est vrai. J’y vois également une ré-interprétation des « Liaisons dangereuses » de Pierre Choderlos de Laclos.
1987 – Tristana (11 minutes)
Née au Canada et y ayant vécu son enfance, Mylène aurait gardé en tête des souvenirs de « plaines enneigées » (j’ai lu ça quelque part). Elle s’en donne ainsi à peur joie dans ce clip très enneigé, réinterprétation de « Blanche Neige et les sept nains »… en Russie, sous Lénine, avec un amoureux qui ressemble furieusement à Franck Dubosc. Parce que… pourquoi pas, après tout, hein ? La reine maléfique va vous donner des cauchemars, croyez-moi.
1987 – Sans contrefaçon (8 minutes)
Sans contexte, l’une de ses chansons les plus connues, où le thème du genre (masculin / féminin) a fait sensation à l’époque. Mylène était en avance sur son temps, en clamant être un garçon et en se comparant au chevalier d’Éon. C’est l’un des clips qui m’a fichu le plus la frousse, alors que je n’avais que 8 ans. Cette marionnette me hante encore… et me fascine.
1988 – Pourvu qu’elles soient douces (18 minutes !)
Tourné deux ans après Libertine, c’est sa suite directe. Et c’est fascinant, vraiment, tant les sujets « visuels » abordés sont nombreux et nébuleux.
1989 – Sans logique (6 minutes)
L’une de mes chansons préférées (et de loin), illustrée dans un clip à la fois très beau… et très chelou, où le « Mal » prend place dans les yeux de la chanteuse, à vous en fiche la trouille. Fascinant, en tous points :
1989 – A quoi je sers (5 minutes)
Un clip pas fou fou, mais intéressant tout de même dans son interprétation. Car à la fin, on voit Mylène s’avancer (vers où ? La mort ? Une page qui se tourne ?), dans un lac, de l’eau jusqu’aux genoux, accompagnée des personnages qui l’ont côtoyée… dans les clips précédents. Génial.
L’ère « Désenchantée »
Jusque là, c’est dingue. On arrive au début des années 90. Et l’album « L’Autre… », où aucune chanson n’est à jeter, déboule dans les charts. J’ai 12 ans et je l’écoute en boucle avec mon Walkman Sony. S’ensuivront des clips toujours innovants dans sa réalisation, mais « moins spectaculaires ». A l’exception de Désenchantée, qui m’a, encore une fois, traumatisé #cafard
1991 – Désenchantée (10 minutes)
Je ne peux pas tout vous mettre ici car sinon cette page mettrait trois plombes à se charger (et on sait que Google n’aime pas ça). Mais parmi les clips et chansons à voir issus de cet album, ne passez pas à côté de : Beyond my control, son fabuleux duo avec Jean-Louis Murat, « Regrets » ou encore le clip dingue de son combat de boxe pour « Je t’aime mélancolie« .
En 1992, sort le clip de 7 minutes « Que mon coeur lâche« , où le Paradis (pour une fois !) est représenté/personnifié en Mylène incarnant ici un ange venu sur Terre pour comprendre ce qu’il s’y passe et redonner aux gens le sens du mot « amour ». Sorti dans le cadre d’un album de chansons remixées, cette chanson a été clipée par un certain… Luc Besson.
L’ère « California »
Mylène, plus discrète dans les médias suite à une tuerie perpétré par un fan dans les locaux de sa maison de disques Polydor en 1991, se ressource en Californie où elle y pondra l’album « California » (forcément), que je découvrirai bien plus tard, allez savoir pourquoi. Un album très ricain, très rock, là aussi aux clips dingues comme L’instant X ou encore XXL.
Mais s’il y a bien un clip à garder, c’est California, qui dure 5 minutes et qui a été réalisé par Abel Ferrara (excusez du peu) avec un certain… Giancarlo Esposito, alias Gustavo « Gus » Fring de Breaking Bad, qui joue ici le rôle du mari / du proxénète. Pareil, c’est fascinant, même si la photographie dégueulasse « vidéo MTV des années 90 » y a été appliquée :
L’ère « Innamoramento »
Enfin, je terminerai cette sélection « inspirationnelle » de mon enfance/adolescence qui me marque encore aujourd’hui avec l’album « Innamoramento », qui marque le retour aux sources de Mylène : le « mystère », le fantastique et le double sens, avec en premier lieu L’Ame-Stram-Gram et ses paroles mêlant orgasme et psychanalyse, le tout dans un clip dantesque (qui a mal vieilli), qui fait référence à une légende chinoise.
Mais s’il y a bien deux clips à retenir, ce sont ceux-là. A cette époque, j’avais à peine 20 ans, et ils m’ont fasciné :
1999 – Je te rends ton amour (version non censurée, 5 minutes)
Une chanson qui peut s’interpréter de mille façons… dans un clip dark absolument dingue. Tellement, qu’il a fini par être interdit de diffusion à la télé. Il n’en fallait pas plus pour créer l’événement ! La version non censurée s’est vendue en VHS chez les marchands de journaux (LOL !) à plus de 35 000 exemplaires et l’intégralité des bénéfices a été reversée à la lutte contre le sida : chapeau bas !
Le Malin, le sang, la nudité, tout y passe : on retrouve la Mylène transgressive des années 80 dans un clip à l’esthétique chiadée.
2000 – Optimistique-moi
Ne cherchez pas dans le dico la définition du titre : ce mot n’existe pas ! Chanson à plusieurs interprétations (d’autres sites web font ça mieux que moi, cherchez sur Google), le clip, incroyable, est hypnotisant. Mylène gravite dans un univers très David Lynch & Twin Peaks, rendant ainsi hommage au « bizarre » et aux « freaks » :
Alors ?
Il y aurait tellement de choses à dire sur Mylène, mais le temps de regarder tous les clips sélectionnés ici et de lire l’intégralité de cet article vous aura pris, a minima, une demi-journée. Pas vrai ?
Ici, j’ai voulu rendre hommage à son travail qui m’a fasciné étant petit. A celui des années 80 surtout, et un peu celui des années 90. Mon imagination, fertile, a clairement été nourrie (entre autres) par son univers. Mylène est une artiste qui est toujours là, importante en France et ce n’est pas pour rien, même si plusieurs générations de fans se sont succédé depuis ses débuts. C’est parce qu’au début de sa carrière, elle a pris des risques énormes à se bâtir une telle image d’outsider, à être éloignée des standards imposés par la musique… C’est pour cela qu’elle est, et restera pour longtemps encore, une star unique de la chanson française, n’en déplaise à ceux qui pensent le contraire.
Comme je l’ai toujours dit : être différent et soi-même vous emmènera toujours plus loin que de se fondre dans la masse pour plaire au plus grand nombre. Même si, comme Mylène, Madonna ou encore Lady Gaga, cela impose un certain sacrifice de vie.
Merci Mylène. Merci Laurent.