Parce qu’il y a tellement de remarques auxquelles on doit faire face, et qu’il est temps d’exorciser tout ça ensemble.
La famille qui ne comprend pas votre passion pour l’écriture, des followers pas corrects, des twittos haineux (pléonasme ?), des éditeurs pas sympas, des acheteurs en salon ou pire, les amis/contacts soi-disant « proches » qui vous balancent des dégueulasseries sans se rendre compte que parfois, ça fait mal.
Ce billet, je l’ai rédigé après avoir vu « Le bonheur des uns » au cinéma, ou quand le succès littéraire surprise de l’un des protagonistes bouleverse le quotidien d’une bande d’amis. D’ailleurs, en référence à cet excellent film, j’ai dédié la toute première remarque de la liste ci-dessous.
Ce billet s’adresse principalement aux auteurs de livres (ou de nouvelles) édités, auto-édités ou non (car oui, vous restez un auteur même si vous n’êtes pas édité !), mais par extension, les autres auteurs, de type scénario, BD, manga, podcast, sketch, spectacles et autres, vous vous y retrouverez également.
Merci à toute la communauté des auteurs (amis et autres), qui m’ont aidé à compiler ces 45 (45, la vache !) remarques qu’on ne veut plus entendre. Un peu comme une thérapie que l’on engageait ensemble.
Ce billet est, à l’origine, tellement long, que j’ai dû le découper en 2. Pas pour faire du putaclic… mais pour faire durer le plaisir !
Inspirez. Expirez. Respirez. C’est parti !
Les remarques I-NÉ-VI-TABLES
1 — « S’il le fait, je peux bien le faire aussi » / « Tout le monde sait écrire »
Non, non et re-non. Ce n’est pas parce que votre pote a sué sang et eau pour un premier roman (surtout le premier, le plus dur !) que vous êtes capable de faire de même. Allez-y pour voir, et vous finirez comme Florence Foresti dans le film « Le bonheur des uns » : toute bête de n’avoir pondu aucune ligne et l’ego blessé.
2 — « Moi aussi, je suis auteur ! J’écris des bouts par-ci par-là. »
Non, non et re-non là aussi. Être auteur, tu l’as dans le sang ou tu ne l’as pas. Si tu ne ressens pas le besoin d’écrire (quoi que ce soit, car ce n’est pas forcément un roman) et d’expulser ton histoire qui germe en toi sans t’y poser sérieusement, c’est que t’as juste envie de t’exprimer. Pas d’écrire. Les potes, c’est fait pour ça. Et les apéros visios aussi.
3 — « Puisque tu sais écrire : tu peux me corriger mon rapport gratos ? Me faire mon CV ? Ma lettre de motivation ? » / « Tu dois être super doué(e) en orthographe/grammaire ! »
Tu m’as pris pour Maître Capello ? Je pourrais t’aider, mais déjà : ce sera payant, coco. Ne commence pas à prendre les mauvaises habitudes d’un éditeur à compte d’auteur, hein. Et puis bon, j’ai aussi un peu pas que ça à fiche.
4 — Toutes les injonctions vues/lues çà et là pour écrire
Sur Google et Amazon, il y a pléthore de conseils « pour écrire un roman en 30 jours » (LOL), des « routines », des « vous devez faire ça », des… Mais stop, fichez-nous la paix ! Il n’y a pas une seule façon d’écrire, car chacun a la sienne. Ecrivez comme vous le sentez, mais au moment de soumettre votre roman à un éditeur, veillez à bien respecter ses demandes qui sont, peu ou prou, les mêmes partout.
Après, perso, si vous recherchez un coup de boost, je vous conseille l’excellent « Ecriture – Mémoires d’un métier », de Stephen King.
5 — « Moi, j’aurais fait comme ça dans cette scène » / « J’aime bien ton livre, mais j’aurais mis plus de cul »
Ben c’est bien. Mais je te rappelle que l’auteur, c’est moi. Quant à ton besoin de cul, va mater Pornhub, peut-être que ça ira mieux après.
6 — « Je suis dans ton roman ? »
Deux réponses possibles.
Version soft : Tu t’es pris pour ma muse, ou bien ?
Version hard : Oui, et je t’ai tué. Bisous.
7 — « Tu pourras me le faire lire avant ? »
Une remarque qui part d’une bonne intention. Le truc, c’est que les gens ne savent pas que cette question fait très souvent peur à l’auteur.trice. C’est notre hantise. C’est notre bébé, et le lâcher une fois fini est difficile.
8 — « Ça sort quand ? »
C’est sympa, car ça veut dire qu’on s’intéresse à ton livre. En revanche, au bout de la 1000e fois, et surtout quand on dépend tous d’un éditeur qui a décision de vie ou de mort sur notre bouquin, ça peut vite souler.
9 — « Tu n’en as écrit qu’un pour le moment ? »
« Quoi, ce n’est pas assez ? »
10 — « Ah bah génial, tu pourras raconter les péripéties de la famille comme ça » / « Tu ne veux pas écrire un roman sur la vie ? »
Non, merci. Les séances chez ma psy me suffisent.
11 — « Alors, les ventes ? Ça se passe comment ? »
Tu poses la même question au boulanger, aussi ? Fonctionne aussi avec : « Ecoute, je suis grave pété de tunes, mais tu comprends, je préfère garder ça secret ». (Surveiller sa réaction).
Mais là aussi, rétablissons la vérité sur les ventes de livres en France, car ce sujet est sensible.
La vérité, c’est qu’on n’a droit à nos relevés de vente que deux fois par an, et souvent pour des clopinettes.
Côté ventes, en France, on en est là :
• 50 % vendent moins de 300 exemplaires,
• 90 % en écoulent moins de 1 000 exemplaires,
• 1 % dépassent plus de 2 000 exemplaires.
Source : Editions Humanis
Extrait de cet article d’Actualitté, sur les ventes en libraire en 2018 :
En 2018, 100 titres ont été vendus à plus de 100 000 exemplaires, soit 7 à 8 % du CA total de l’édition en France, une donnée manifestement stable. Les pertes se retrouvent plutôt sur l’autre segment : celui des titres vendant moins de 5 000 exemplaires. Ils représentent 46 % des références, mais 55 % du chiffre d’affaires – soit 3 points de plus en 10 ans – et incluent tant le fonds que les nouveautés.
Or, les trois quarts de cette masse, soit 563 000 références, sont vendus à moins de… 100 exemplaires.
Reste alors la strate des titres qui se vendaient entre 5 000 et 100 000 exemplaires : ils représentent 10 % de références en moins, et 38 % du CA en 2018, ayant perdu 3 points en 10 ans. « Le marché est donc saturé avec des titres qui ont du mal à trouver la lumière, et des paliers rémunérateurs. »
12 — « T’es pété de tunes alors ? » / « Tu vas être riche »
Ah ! Le Sacro-Saint problème de l’argent, si typiquement français. La vérité, c’est que si tout le monde devenait riche en écrivant un livre, ça se saurait.
Cf Paragraphe précédent.
13 — « Tu écris un best-seller ? »
Oui, bien sûr ! Ma boule de cristal me l’a dit ! Les 65 000 livres qui sortent chaque année en France sont tous des best-sellers, c’est bien connu.
Trêve de plaisanterie. « Il est généralement admis que l’on peut commencer à parler de best-seller à partir d’une vingtaine de milliers d’exemplaires vendus » d’après une étude du SNE.
Les remarques qui surprennent encore
14 — « La flemme de lire, vas-y raconte-moi l’histoire (et la fin), les spoilers, je m’en fiche »
Répondez : C’est sympa de faire un gros caca sur mon travail de création. Très classe ! (Surveiller sa réaction)
15 — « Ça doit être tranquille tes journées, tu ne te foules pas beaucoup »
Ne pas tenter d’argumenter quoi que ce soit, car à ce niveau de jalousie crasse, c’est peine perdue. Enfoncez le clou : « Ouais, je n’ai écrit que deux pages. Puis je me suis promené, je suis allé au cinéma, et j’ai baisé cet aprèm avec mon plan cul pendant que t’étais au bureau. Et toi, ta journée ? »
16 — « Ça doit être chiant d’écrire toute la journée ? »
Pas plus que de faire ton taf, non ?
17 — « Tiens, j’ai une idée de roman pour toi, mais je n’ai pas le temps, tu pourrais l’écrire ? »
OK coco. Un contrat de ghost writer, c’est minimum 5 000 balles le roman. Si tu les as, pas de souci !
18 — « Tant qu’on n’a pas un nom, faut pas espérer en vivre » (Vient d’une ME)
Ça, c’est une belle remarque crasse, car elle est absolument fausse : les premiers Marc Levy, les premiers Musso, le 2e de Dicker (car son premier ne s’est pas vendu)… Tous ont cartonné dès le début, alors que c’étaient des inconnus ! Pourquoi ? Parce qu’ils ont une ME qui a FAIT SON TRAVAIL : faire connaître l’auteur.
La promotion d’un auteur et de son nom est le rôle d’une ME.
19 — « Tu écris de l’érotisme ? C’est auto-biographique ? »
« Ouais ! Tellement ! Mais au fond, j’hésite à raconter ce que j’ai vécu avec ton/ta [citer un.e de ses proches] »
Marche aussi avec : « Sinon, j’écris une histoire de meurtre. Tu penses que je devrais tuer quelqu’un pour l’expérience ? Pour que ce soit plus vrai ? »
20 — « À mort les pirates de livres ! Sinon, quelqu’un aurait un bon site de films en streaming KiKoOlOL ? »
Toute œuvre, quelle qu’elle soit, est protégée en droits d’auteur. Pas uniquement les livres. Si, si. Les films, les séries et la musique ne doivent également pas être piratés.
21 — « Ton titre est trop long »
Euh…
22 — « Je n’ai jamais vu tes bouquins en librairie, c’est bizarre non ? » / « Je n’ai pas trouvé ton livre à la Fnac/librairie et je boycotte Amazon »
Exposez-leur votre science : « Un livre, en première impression, dépasse rarement les 500 exemplaires. En France, il y a 3300 librairies. Et chaque année, près de 65 000 livres sortent. Je te laisse faire le calcul de la probabilité de me trouver en rayons ». Sinon, y a l’excellent placedeslibraires.fr pour trouver son bouquin et ne pas être déçu.
23 — « Moi, je ne lis que du [auteur de votre choix] et rien d’autre »
Ben… c’est bien.
24 — « Autrice » c’est moche
Pas plus que « actrice ».
25 — « Ah ! C’est rare une femme qui écrit de la SF »
OK, boomer ! La SF n’est pas qu’une histoire d’hommes. Si, si. C’est juste que tu ne t’es pas renseigné, c’est tout. Parce que peut-être que quelque part, tu as toujours cru au fond de toi que la SF était un truc d’homme poilu faisant de maquettes de X-Wing dans leur chambre occupée chez maman jusqu’à leurs 35 ans. Eh non. T’as tout faux. Cette vision très genrée (et très fantasmée surtout) n’a plus cours, et depuis belle lurette. Faut se mettre à jour.
La suite de ce long billet qui vous donne des sueurs froides ? Elle se trouve ici.