Proposée fin octobre, « Le jeu de la dame » (The Queen’s Gambit), mini-série Netflix de 7 épisodes, a été propulsée « série la plus vue de l’année » sur la plateforme en à peine 2 jours. Et c’est plus que mérité.
Je ne pouvais pas me contenter d’un simple billet sur Instagram au côté de mes autres coups de cœur pour vous parler de ce bijou télévisuel qui a enchanté mes rétines et mes exigences d’auteur. « Le jeu de la dame » de Netflix, 7 épisodes seulement (ni un de trop ni un de moins) est une claque ! Si vous n’avez toujours pas vu cette série, de quoi ça parle ?
Le pitch, selon Wikipedia : On suit Beth Harmon, une prodige des échecs orpheline, de huit à vingt-deux ans, dans sa quête pour devenir la meilleure joueuse d’échecs du monde, tout en luttant contre des problèmes émotionnels et une dépendance aux drogues et à l’alcool. L’histoire commence au milieu des années 1950 et se poursuit dans les années 1960.
Le jeu de la dame : échec et mat
Vous l’avez compris, ici est question l’univers des échecs. Chose à laquelle je pipe que dalle et m’en fiche royalement, pour la simple raison que ça ne m’intéresse pas. En revanche, j’ai été surpris à me sentir stressé face aux tournois de Beth Harmon. J’ai suivi d’un œil assidu le moindre de ses mouvements tactiques en championnat. Tactiques souvent accompagnées de mimiques de visage adorables de la part de Anya Taylor-Joy (vue dans l’horrible et dispensable « Les Nouveaux Mutants » au cinéma). Bingo ! C’est donc le signe que j’ai été hooké, malgré un sujet pas sexy de prime abord.
Une ode à la différence
Cette série fascine de par les sujets qu’elle aborde. Les producteurs ont voulu montrer le « combat » d’une femme, jeune de surcroît, dans un milieu dominé par les hommes. Outre le discours foncièrement féministe exaltant à voir (on n’a envie que d’une chose : qu’elle les batte tous à plate couture !) est abordé une chose que, bizarrement, peu de médias ont relayée jusqu’ici : l’ode à la différence. Car Beth Harmon n’est pas qu’une femme seule dans un monde d’hommes, elle est aussi très seule… tout court.
Sans divulgâcher l’intrigue pour ceux qui n’ont pas encore vu le show, l’héroïne est hantée par son enfance. Une enfance qui la pousse dans ses retranchements et à se faire « toute seule ». Elle comprend vite qu’elle devra tout apprendre des échecs, ce hobby nouveau qu’elle découvre par le plus grand des hasards jeune. Mais pas uniquement. Elle devra apprendre à vivre ; apprendre les choses de la vie… toute seule.
Et c’est là que règne la force de ce personnage, porté de main de maître par Anya Taylor-Joy : elle n’est pas comme les autres. Elle est différente. Elle se plaît à être seule, à se réfugier dans son monde, tout en restant avide de découvrir des choses… Comme, par exemple, les hommes et le sexe. Certains spectateurs y ont vu de la complexité ; moi j’y ai vu une réelle preuve d’intelligence.
Je ne vous cache pas que ce personnage m’a personnellement bouleversé, car je me suis reconnu en elle. Comme quoi ? Son désir d’indépendance et de vouloir ne dépendre de personne pour mener sa vie. Sa curiosité envers les questions du sexe aussi, sans pouvoir en parler à qui que ce soit alors qu’elle est adolescente ; comme moi, quand j’étais un ado, gay, et toujours dans le placard.
Enfin, cette différence dans son rapport aux autres et son éloignement volontaire délivre ici un autre message. Pour réussir, le personnage de Beth Harmon est prêt au sacrifice. La scène la plus criante étant ses retrouvailles dans un magasin avec une de ses anciennes camarades de classe, qui l’avait un peu chahutée par le passé. Mariée et avec des enfants, face à une Beth Harmon forte et maîtresse de sa vie, elle ne sait plus où se mettre. Et c’est jouissif à voir.
Le jeu de la dame : un scénario pas aussi simple qu’il en a l’air
Attardons-nous deux secondes sur le scénario et sa mise en scène. Ici n’est pas uniquement question de la vie de Beth Harmon et de ses tournois d’échecs. Le drame qu’elle a vécu dans son enfance, qu’on découvre dès le premier épisode, revient sans cesse par flash-backs. Nous révélant ainsi des infos supplémentaires, jusqu’au « dénouement » complet dans le dernier épisode. On a donc affaire ici à une série plus complexe qu’elle en a l’air. En effet, et c’est humain, on est par exemple tentés de juger ses addictions. Mais en regardant la série jusqu’au bout, on comprend (sans l’excuser) des choses. Et on découvre, par la même occasion, la force d’un scénario bien écrit.
Normal en même temps, puisque cette série, adaptée du livre du même nom sorti en 1983 (le titre fait référence à une ouverture agressive aux échecs), a été écrite par deux ex-scénaristes qui ont fait leurs armes à Hollywood. Scott Frank (Hors d’atteinte, Minority Report, Logan…) et Allan Scott (peu de films, mais notons tout de même le cultissime D.A.R.Y.L.) ou quand des professionnels du cinéma planchent sur une série télé. Comme quoi, même les meilleurs peuvent bosser pour des prods Netflix.
Un casting pas si anodin que ça
Y en a qui vont crier au scandale sur ce que je m’apprête à dire. Alors que c’est vrai : cette série est, dans l’ensemble, composé de gens… pas ou peu connus. Quasiment aucune tête d’affiche. Des jeunes premiers pas si premiers que ça en réalité, comme la sublime Anya Taylor-Joy (vue également dans « Split ») et son visage si particulier. Ou encore Harry Melling (l’horrible Dudley de la saga Harry Potter) et Thomas Brodie-Sangster (récemment vu dans la trilogie du « Labyrinthe »).
Preuve s’il en fallait encore qu’une excellente série peut connaître le succès sans grosse star à l’affiche, du moment qu’elle est bien écrite et réalisée.
Une imagerie léchée
Enfin, je ne pouvais pas conclure ce coup de cœur sans parler de la beauté du show. Image, photographie, musique, mais aussi décors et costumes : chaque plan est un délice visuel, un orgasme en tous points. Le fait que la série se passe dans les années 50 et 60 n’est pas anodin. On sent que les responsables du show se sont régalés à reconstituer cette époque fantasmée dans le moindre détail.
Je précise « fantasmé », car rappelons que dans les années 60, les droits des femmes et des LGBT (entre autres) étaient en réalité réduits à peau de chagrin. Whatever.
Le jeu de la dame : et donc, on fait quoi ?
Ben on regarde cette série, pardi ! Si ce n’est pas déjà fait, vous risquez de commettre une grosse erreur en passant à côté de la meilleure production télé (pour moi) que cette horrible année 2020 a à nous offrir. N’attendez plus, c’est sur Netflix.