“The Summer Hikaru Died” : l’animé Netflix au sous-texte queer qui dérange et fascine
Publié le 22 août 2025 - Temps de lecture : 5 minutes
The Summer Hikaru Died, la dernière série animée japonaise de Netflix, suscite un débat alors que sa diffusion vient à peine de commencer.
À cette œuvre mystérieuse à la croisée de l’horreur et du drame, adaptée du manga phénomène de Mokumokuren, une question s’est ajoutée sur quasiment toutes les lèvres : The Summer Hikaru Died aurait-il un sous-texte queer ? Voire : serait-il un yaoi / Boys Love ? Analyse.
« The Summer Hikaru Died » : une œuvre récente qui a éclos en peu de temps
The Summer Hikaru Died est un manga dit « seinen » (marqueté au Japon pour être donc lu par « de jeunes hommes ») signé par le jeune auteur Mokumokuren (dont on ne connaît pas le genre), publié depuis 2021 (alors qu’iel était encore au lycée) dans le magazine en ligne Young Ace Up (du puissant groupe cross-médias Kadokawa) qui l’avait repéré-e suite à ses dessins publiés sur Twitter dans un premier temps. Ouais, je sais, beaucoup d’anecdotes en une trop longue phrase.
En 2025, le studio CygamesPictures en livre l’adaptation animée sur Netflix, diffusée depuis le samedi 5 juillet avec un rythme hebdomadaire (chaque samedi à partir de minuit heure française), pour un total attendu de 12 épisodes.
Petite anecdote wikipédienne : dans la mythologie japonaise, les mokumokuren sont des esprits yōkai (qu’on pourrait traduire par : fantômes, monstres) de type de tsukumogami (traduction : un vieil esprit qui a pris possession d’un objet). Ça donne une idée de l’univers de l’auteur, qui a choisi le pseudo de mokumokuren…
« The Summer Hikaru Died » : une série entre horreur, émotion et mystère
L’histoire, sans spoilers, raconte la vie de deux jeunes lycéens, meilleurs amis d’enfance, Yoshiki Tsujinaka et Hikaru Indo, dans un village rural japonais. Après une mystérieuse disparition en montagne, Hikaru revient changé, possédé par une entité étrangère qui l’imite, tout en gardant ses souvenirs et sentiments… Yoshiki est le seul à connaître la vérité : Hikaru est bien mort, contrairement à ce que tout le monde croit.
La série explore un mélange de deuil, d’amitié et de créatures surnaturelles dans une atmosphère à la Stephen King, angoissante et poétique. Tout ce que j’aime, vous me connaissez. Le surnaturel devient une métaphore pour le deuil, le refus de lâcher prise, et la difficulté à accepter la mort d’un être cher. Cet horizon fantastique permet à la série de déployer un univers intense et angoissant, dans lequel s’entrelacent des sentiments profonds.
Visuellement, c’est un régal : les plans sont travaillés, le chara-design (look/dessin des personnages) est soigné et le tout donne parfaitement vie à l’ambiance rurale et sombre du récit.
Oui, mais bon, on a eu droit au tollé masculiniste sur TikTok, au bon relent nauséeux d’homophobie
Ce qui frappe avec The Summer Hikaru Died, c’est la réaction virulente de certains spectateurs masculins, notamment sur TikTok, où beaucoup d’hommes auraient stoppé la série dès le premier épisode sous prétexte qu’il y avait « des pédés », pour reprendre leur expression. On pleure. Pas de rire. Ou si, mais nerveux.
À 46 ans, ayant grandi dans l’époque où la visibilité LGBTQ+ était une bataille, c’est déconcertant de voir ces réflexes régressifs… Bref.
La série aborde un thème queer sous-jacent (voir paragraphe suivant), en présentant des personnages pouvant s’aimer au-delà de la simple amitié, sans sexe. Ce que les Américains appellent d’ailleurs « la bromance ». Mais non. Pour certains zhomes, pétris d’homophobie intériorisée et de pur conservatisme mal dégrossi, ce n’est pas possible. Vous savez, les mêmes qui disent « je ne peux pas m’identifier, car l’héroïne est une fille ». Ça reste d’une bêtise sidérante. Heureusement, le public est plus large que ces pseudos-détracteurs à l’esprit étriqué.
The Summer Hikaru Died : c’est un yaoi / boys love alors ?
Le terme « yaoi » ou « boys love » désigne en général des romances explicites entre garçons. Ici, avec The Summer Hikaru Died, officiellement, non. Pour rappel, l’auteur Mokumokuren a même déclaré par le passé qu’iel n’avait jamais eu l’intention de faire un manga de type yaoi/boys love, mais plutôt « un manga d’horreur avec une représentation queer ».
Ah ! Voilà qui est plus clair ! Car le sous-texte queer est pourtant clair, tout comme il est irrecevable par certains. La relation entre Yoshiki et « le nouvel Hikaru » semble dépasser le cadre même de la simple bromance à l’américaine. Le lien ambigu, presque fusionnel, se teinte d’une intense charge émotionnelle et parfois physique, qui amène à remettre en question la nature exacte de leur relation…
Un geste équivoque, au contact intense et assez charnel, presque comparable à un fist-fucking « soft »…
La série évoque donc bien des thématiques queer, pas dans un cadre explicite de romance yaoi classique, mais bien à travers des symboles, comportements et parcours émotionnels qui parlent d’identité sexuelle, d’intériorisation, d’acceptation de soi et des stigmates sociaux. Yoshiki apparaît comme un personnage en lutte avec un environnement conservateur (« le village » comme métaphore d’un espace clos et répressif), où il doit cacher sa véritable identité. Le retournement fantastique permet de dévoiler ce malaise tout en maintenant une distance narrative qui dissimule le propos plus ouvertement queer.
Je pense notamment à une scène, très commentée, où Yoshiki insère sa main dans le corps de ce « nouvel » Hikaru. Un geste équivoque, au contact intense et assez charnel, presque comparable à un fist-fucking « soft » (à la vue de réaction presque jouissive de Hikaru), symbolisant ainsi le désir « d’explorer plus loin encore leur intimité ». À mon sens, cette scène traduit une exploration implicite du désir et des affects queer, renforcée par une tension émotionnelle où Yoshiki lutte avec son identité et ses sentiments.
Ce n’est pas un yaoi, mais plutôt un manga d’horreur avec une représentation queer.
Mokumokuren
Par la fusion du fantastique, de l’horreur psychologique et de la romance voilée, The Summer Hikaru Died brouille les codes traditionnels. Ce n’est donc pas un anime yaoi classique ni un boys love au sens habituel, mais il reste indéniablement queer dans sa substance, son traitement du lien entre les deux garçons, et la façon dont il questionne les normes sociales et affectives à travers un récit d’apparence horrifique.
Quelle est la réception générale de « The Summer Hikaru Died » ?
Plusieurs critiques et fans s’accordent à dire que l’œuvre est aussi un voyage dans le deuil et la reconstruction identitaire queer. On y trouve des métaphores de l’acceptation de soi, le combat contre l’homophobie intériorisée, et l’exploration de sentiments ambivalents face à un amour impossible, voire destructeur. Les discussions sur Reddit ou Twitter montrent un vivier de réflexions passionnées, décryptant chaque passage ambigu et chaque regard échangé entre les deux protagonistes.
À l’heure où j’écris cet article (mi-août 2025), seuls six épisodes sont disponibles, mais la série s’annonce déjà comme l’un des musts-watch de l’été 2025 sur Netflix. Les amateurs de récits queers fantastiques et d’histoires à la fois sombres et délicates (comme moi) seront ravis. La question demeure : où nous mènera cette relation hors norme ? La présence d’entités surnaturelles et d’une menace grandissante augure un suspense intense, amplifié par la complexité émotionnelle de Yoshiki et Hikaru…
The Summer Hikaru Died déconcerte et provoque, en mêlant habilement horreur palpable et émotion queer. Loin d’être un simple yaoi traditionnel, la série installe un sous-texte queer fort, parfois explicite, qui dérange autant qu’il fascine. Dans un contexte sociétal marqué par des poussées conservatrices sur les réseaux, cette création de Mokumokuren s’impose comme un incontournable de l’été, un animé à voir pour son audace narrative et sa mise en scène impeccable.
Ainsi, si vous cherchez une série animée où suspense surnaturel et exploration des liens queer se mélangent avec style, The Summer Hikaru Died est pour vous !