The Gilded Age : la transformation réussie par HBO de l’aristocratie américaine en Desperate Housewives made in Manhattan
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 2 septembre 2025 - 🕐 8 minutes
Qui aurait misé, lors de ses débuts timorés, sur le succès planétaire de « The Gilded Age » signé Julian Fellowes, le créateur déjà adulé de « Downton Abbey » ? Attention, spoilers.
Moquée dans un premier temps pour sa prétention de raconter l’histoire des grandes familles américaines façon soap britannique, la série HBO a su s’imposer, saison après saison, parmi les titres phares de la plateforme. Alors que la saison 3, diffusée en France via Canal+, vient à peine de s’achever sur un cliffhanger dont on ne se remet toujours pas, HBO a déjà officialisé une saison 4.
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Découvrez ce livreFocus sur les secrets du phénomène « The Gilded Age », son équipe, ses stars (Cynthia Nixon, Carrie Coon, Christine Baranski, entre autres) et les raisons d’un engouement croissant. Si la réponse tient à la transformation du show, de soap de dynastie façon « Desperate Housewives », c’est peut-être aussi parce que la richesse n’a jamais semblé aussi… vulgaire (et on adore).

Julian Fellowes ou l’éternel aristocrate (anglais) qui voulait parler de l’âge d’or américain
Impossible d’aborder « The Gilded Age » sans évoquer son créateur, Julian Fellowes, héritier du gratin anglais. Célèbre pour avoir dépoussiéré le genre avec « Downton Abbey », la célèbre série multi-primée sur l’aristocratie britannique dont on attend la sortie prochaine du troisième et dernier long-métrage, Julian a surpris son monde en traversant l’Atlantique pour narrer les turpitudes des grandes familles de la Gilded Age, cette ère de la montée fulgurante de fortunes américaines depuis le début des années 1870. On parle ici des Vanderbilt, Astor, Carnegie, Rockefeller… Autant de noms qui résonnent encore dans les couloirs du pouvoir new-yorkais.
D’emblée, Julian Fellowes oscille entre fascination et retenue, presque gêné d’explorer ce pan obscur du rêve américain. À travers une écriture timide, voire timorée, la saison 1 de « The Gilded Age » semble presque s’excuser d’oser mettre en scène ces dynasties. Les palais de Newport et la Fifth Avenue ont beau s’habiller élégamment de velours, l’auteur peine à accorder à ses châteaux en carton l’ampleur épique qu’il offrait jadis à ses manoirs de Yorkshire.
Heureusement, le casting 5 étoiles relève le tout, avec Cynthia Nixon, Carrie Coon et Christine Baranski (entre autres)
Parmi les raisons du succès de « The Gilded Age », impossible de ne pas citer son casting renversant. Carrie Coon (vue et acclamée le printemps dernier dans « The White Lotus » saison 3), Christine Baranski (la veuve acide et fauchée la plus drôle du Upper East Side, vue dans plein de série dont en ce moment la saison 2 de « Nine Perfect Strangers » sur Prime Vidéo), Taissa Farmiga (vue dans American Horreur Story, sœur à la ville de Vera « The Conjuring » Farmiga), et Morgan Spector (le très séduisant nouveau J.R. Ewing, version rails et banquets) donnent corps à des personnages complexes, pour la première fois envahis par les passions.
Mention spéciale à Cynthia Nixon, très loin ici de la Miranda dans « Sex and the City » (ou même encore de la Miranda lourdingue et gauche de « And Just Like That »), qui campe une héritière bigote et dévouée. Fun fact : l’actrice est apparue simultanément dans « The Gilded Age » (sur HBO) et « And Just Like That » saison 3 cet été et c’était drôle de jongler entre les deux shows. Une preuve s’il en fallait de la polyvalence de l’actrice ? Elle n’a d’égal que la capacité de Julian Fellowes à lui écrire, enfin, un rôle à la hauteur de son talent. Dont acte.

Une écriture timide mais des familles légendaires : la montée en puissance de la série
Si la saison 1, pleine de bonnes intentions, peinait à convaincre (l’écriture s’y faisait presque scolaire, comme si Julian Fellowes ne voulait pas froisser les descendants des Vanderbilt), la suite a trouvé son rythme. Les Astor, Russell, et Brook sortent peu à peu de leur carcan pastel pour se jeter dans la mêlée sociale, chaque épisode oscillant entre petits drames et grands manigances. À force de rebondissements, le show a fini par mordre enfin dans la chair de son sujet : le pouvoir, l’argent, et les codes qui régissent l’entrée dans l’élite, jusqu’à la folie des bals de Newport.
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Découvrez ce livreThe Gilded Age saison 3, c’est Desperate Housewives en corsets (ou l’apothéose du soap)
« Desperate Housewives en avant toute ! » pourrait résumer le virage opéré par « The Gilded Age » dans sa saison 3. Et c’est tant mieux. Cette année, les intrigues amoureuses et les rivalités de couloir atteignent leur paroxysme : le mariage de Gladys (Taissa Farmiga), digne d’un film d’horreur victorien, laisse le spectateur suspendu à chaque regard dans une tension insoutenable ; Bertha Russell (Carrie Coon), implacable, manigance pour hisser sa famille tout en se débattant avec un George (Morgan Spector) qui basculerait presque dans le rôle de l’anti-héros ; Marian (Louisa Jacobson Gummer, l’une des filles de Meryl Streep) et Peggy voient ainsi leurs propres histoires balayées par le tumulte ambiant.
La série n’a jamais été aussi dynamique ni aussi excitante, qu’en enchaînant à un rythme fou les révélations et les fausses pistes. L’écriture, enfin débridée, ose confronter morale et scandale, laissant planer un parfum de soufre sur Newport et New York. Marc Cherry, le créateur de « Desperate Housewives », n’aurait pas renié cette dose bienvenue de poudre scénaristique.

Point noir : cette fâcheuse habitude de tuer des gays et de leur interdire le bonheur
Mais tout n’est pas parfait, et « The Gilded Age saison 3 » tombe (à pieds joints) dans un travers dénoncé depuis longtemps : le fameux trope « Bury Your Gays » (Enterre tes gays). Cette manie de sacrifier les personnages LGBTQ+ pour appuyer de faux enjeux scénaristiques a été largement répertoriée par le GLAAD, qui recense chaque année les morts inutiles de personnages gays à la télévision, principalement dans les programmes américains. Ainsi, en 2025, près de 30 % des personnages LGBTQ+ meurent prématurément, la plupart au service des intrigues hétérosexuelles.
ATTENTION SPOILERS
(dépliez pour lire)
La scène violente qui coûte la vie à John Adams (Claybourne Elder) dans la saison 3 m’a personnellement fait bondir, d’autant que la romance d’Oscar van Rhijn (Blake Ritson) semblait enfin pouvoir trouver l’espace qu’elle mérite à l’écran. Ainsi, encore une fois, un gay n’aurait pas le droit au bonheur ? Un gay doit forcément finir seul et misérable ? Encore ?
En 2025, il serait peut-être temps, même dans une série d’époque, de réinventer la représentation des personnages LGBTQ+, au lieu de reproduire de vieux schémas usés. Car même si la vie était, historiquement parlent, moins évidente à cette époque, elle a quand même existé.

Que révèle la montée en puissance de « The Gilded Age » sur le portrait des dynasties américaines de la fin du XIXe siècle ?
À travers la splendeur de ses décors et la férocité des joutes sociales, « The Gilded Age » met en lumière la véritable nature des grandes dynasties américaines du XIXe siècle. Bien loin du vernis doré, la série révèle le combat permanent entre « old money » et « new money », les familles comme les Vanderbilt, Rockefeller ou Astor, chaque clan prêt à tout pour s’imposer. Ce portrait en clair-obscur, admirablement mis en scène par Julian Fellowes, redonne vie à une époque où la réussite n’avait que faire des scrupules et où le progrès social était aussi brutal qu’innovant. En oscillant entre faste et violence, justice et ambition, « The Gilded Age » dépeint une Amérique en pleine mutation, ébranlée par la soif de conquête et le désir d’émancipation, tout en offrant au spectateur contemporain de précieuses clés pour comprendre les racines du capitalisme et les fractures sociales encore visibles aujourd’hui.
L’élection de Trump y est peut-être aussi pour quelque chose, lui qui a souvent déclaré dans ses discours l’exemple de ces grandes familles américaines qui ont façonné l’Amérique, sans toutes les lois actuelles restrictives. Faisant ainsi référence aux familles de l’aristocratie américaine de la période Gilded Age.
L’élection de Trump y est peut-être pour quelque chose dans le succès actuel de la série.

Saison 4 The Gilded Age : attentes, promesses et montée des enchères
Pourquoi cet engouement pour « The Gilded Age », jusqu’à ce que HBO annonce la saison 4 avant même la diffusion du dernier épisode de la saison 3 ? Le show, après une progression continue, atteint désormais des audiences records : un boost des audiences par rapport à la saison précédente, des scores supérieurs à ceux de « The White Lotus » et « The Last of Us », et un engagement sur les réseaux sociaux en hausse semaine après semaine. L’avenir de la saga est en marche, même si HBO reste mystérieux sur la date de sortie, évoquant une plage entre 2026 et 2027. On nous promet toujours plus de drames, d’intrigues et de confrontations pour la saison 4… mais la barre est désormais haute.
The Gilded Age, qui n’aurait dû être qu’une Downton Abbey à la sauce américaine, s’est donc imposée comme LE soap aristocratique du moment. Porté par l’écriture désormais décomplexée de Julian Fellowes, propulsé par un casting en or, le show a transcendé ses débuts timides pour s’assumer, enfin, comme la chronique corrosive de l’ascension sociale. HBO ne s’y est pas trompé, en validant la production de la saison 4 avant même que les fans aient eu le temps de sécher leurs larmes devant un cliffhanger digne d’un opéra.
Reste à savoir si la série saura à l’avenir éviter les écueils de la représentation LGBT+ et conserver cette intelligence narrative qui fait, aujourd’hui, son succès. Mais une chose est sûre : dans « The Gilded Age », être riche n’aura jamais été aussi épuisant… ni aussi spectaculaire.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).



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