Pourquoi « Le Magicien d’Oz », un film de 1939, fascine-t-il autant les gays ?
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 8 décembre 2025 - 🕐 5 minutes
Quatre-vingt-cinq ans après sa sortie en salles, « Le Magicien d’Oz », classique du cinéma américain, continue de fasciner toutes les générations, particulièrement au sein de la communauté LGBTQ+. Mais pourquoi ?
Réalisé par Victor Fleming et sorti en 1939, « Le Magicien d’Oz » met en scène Judy Garland dans le rôle de Dorothy, une jeune fille transportée par une tornade vers un monde magique peuplé de créatures fantastiques.
Ce qui sera abordé :
Le film devient rapidement un monument du cinéma américain, mais sa résonance particulière auprès des homosexuels transforme cette œuvre enfantine en un symbole culturel d’une portée insoupçonnée. Les couleurs vibrantes du Technicolor, la quête identitaire des personnages marginalisés et ce refuge féerique où chacun trouve sa place créent un écho immédiat avec l’expérience queer.

« Over the Rainbow » : bien plus qu’une chanson, un manifeste d’espoir
La chanson « Somewhere Over the Rainbow » (qui avait failli être supprimé après une première projection interne !) résonne particulièrement dans la culture LGBT.
Le désir de Dorothy d’atteindre un endroit « au-delà de l’arc-en-ciel » où « les rêves deviennent réalité » reflète l’aspiration des personnes queer à trouver un lieu d’acceptation. Bien que le lien direct avec le drapeau arc-en-ciel de Gilbert Baker reste hypothétique, la coïncidence symbolique demeure troublante.
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Découvrez ce livreLe voyage de Dorothy du Kansas en noir et blanc vers le pays d’Oz en Technicolor éblouissant symbolise cette quête d’échappement des petites villes conservatrices vers les métropoles colorées où les personnages excentriques accueillent les différences.
Le Lion peureux, avec ses manières efféminées, l’Épouvantail en quête de cerveau, l’Homme de fer-blanc cherchant un cœur incarnent tous des marginaux en quête de complétude, acceptés sans condition par Dorothy.

Un film culte utilisé comme langage codé dans une Amérique homophobe
Dès les années 1940, l’expression « friend of Dorothy » devient un code discret employé au sein de la communauté homosexuelle américaine. À une époque où les actes homosexuels sont illégaux dans la plupart des États-Unis, cette formule permettait de se reconnaître entre initiés.
Dans les bars, les soirées mondaines ou les cercles professionnels, la question « Are you a friend of Dorothy? » agissait comme un mot de passe : une réponse affirmative suffisait à signaler son appartenance à une communauté contrainte à la discrétion.
L’anecdote la plus célèbre autour de ce code remonte aux années 1980. Le Naval Investigative Service (ancêtre du NCIS) enquête alors sur la présence de militaires homosexuels dans ses rangs, en pleine application des politiques de bannissement de l’époque. Les agents découvrent que plusieurs soldats se décrivent comme « friends of Dorothy ».
Ignorant la signification culturelle de l’expression, ils en concluent qu’une certaine Dorothy serait la cheffe d’un réseau homosexuel au sein de la marine. Une enquête est ouverte pour la retrouver… sans jamais réussir à comprendre qu’elle n’existait pas. Cette méprise, aujourd’hui devenue légendaire, illustre à quel point un simple langage codé pouvait réellement protéger des surveillances hostiles.

Judy Garland, la première grande icône gay d’Hollywood
Judy Garland atteint son statut d’icône gay dans les années 1950, bien après la sortie du Magicien d’Oz. Son talent scénique exceptionnel, sa voix déchirante et surtout sa vie personnelle tragique créent une identification profonde.
La Metro-Goldwyn-Mayer lui impose des amphétamines pour tenir le rythme infernal des tournages et des barbituriques pour dormir, provoquant une dépendance qui la poursuivra toute sa vie.
Ses amitiés déclarées avec des hommes homosexuels, ses mariages tumultueux avec des maris bisexuels ou gays, sa vulnérabilité et sa résilience face aux cruautés de l’industrie hollywoodienne en font une figure de résistance mélodramatique.
Les gays urbains des années 1950 et 1960, confrontés à une société hostile et à la clandestinité permanente, se reconnaissent dans ses combats contre la discrimination, l’addiction et le rejet.

Une renaissance technologique et des préquels qui perpétuent la magie
À la Sphere de Las Vegas, « Le Magicien d’Oz » bénéficie d’un traitement technologique révolutionnaire grâce aux modèles d’intelligence artificielle de Google, comme Gemini et Veo, transformant le format original 4:3 en expérience immersive à 360 degrés. La partition originale a été réenregistrée par un orchestre de 80 musiciens et remixée pour les 167 000 haut-parleurs programmables de la salle. Cette réinvention démontre la capacité du film à se réinventer tout en préservant son essence.
Les retours du public confirment que l’expérience transcende la simple projection : les sièges haptiques, les effets de vent, de chaleur et même les odeurs créent une immersion totale dans l’univers d’Oz.
Les générations qui découvrent aujourd’hui le film dans ce format spectaculaire rejoignent les cohortes précédentes de fans, prouvant la pérennité de son message universel.
On ne peut pas oublier non plus le spectacle musical « Wicked », joué depuis depuis plus de vingt ans à Broadway, avec succès, ainsi que les deux films (je vous ai d’ailleurs proposé un quiz de connaissances sur « Wicked » ici), qui ont réussi un grand nombre de fans, dont la grande majorité est LGBTQIA+. La queerness du « Magicien d’Oz » reste intacte.
Quatre-vingt-cinq ans après sa sortie, « Le Magicien d’Oz » demeure donc bien plus qu’un classique du cinéma. Ce film incarne la puissance d’une œuvre capable de transcender les époques, les technologies et les générations pour continuer d’offrir refuge, identification et espoir aux personnes queers.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).




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