« Les indomptés » : l’œuvre queer la plus importante de l’année que vous n’avez (probablement) pas vu
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 18 septembre 2025 - 🕐 7 minutes
Avec seulement 30 000 spectateurs en cinq semaines d’exploitation (chiffres box-office Allociné), « Les indomptés » a été l’un des plus beaux ratés commerciaux de l’année.
Pourtant, cette adaptation du roman de Shannon Pufahl mérite qu’on s’y attarde. Réalisé par Daniel Minahan et porté par un trio d’acteurs magnétique composé de Daisy Edgar-Jones, Jacob Elordi et Diego Calva, ce film nous plonge dans l’Amérique des années 1950 avec une justesse rare.
Ce qui sera abordé :
Loin des clichés habituels sur cette période, le film « Les indomptés » offre un portrait authentique de la condition queer à une époque où vivre sa véritable identité relevait du défi quotidien. Une œuvre qui mérite une seconde chance, notamment avec sa sortie en VOD normalement prévue pour octobre 2025 (d’après mes calculs).
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Découvrez ce livreUn récit adapté d’un roman salué par la critique
« Les indomptés » s’appuie sur le roman « On Swift Horses » de Shannon Pufahl, publié en 2019 aux États-Unis. L’ouvrage a vite conquis la critique littéraire américaine, intégrant dans la foulée de sa sortie la sélection des éditeurs du New York Times Book Review. En France, la traduction n’est arrivée qu’en 2021, mais elle a immédiatement suscité l’intérêt des amateurs de littérature queer et de fiction historique.

L’histoire suit Muriel, une jeune femme mariée à Lee, vétéran de la guerre de Corée. Leur vie tranquille en Californie, où ils viennent de déménager bascule avec l’arrivée de Julius, le frère charismatique de Lee. Charmeur et beau garçon, mais sans le sou, il vend ses charmes en secret, aux femmes comme aux hommes. Pour se faire un peu d’argent, il bouge non loin, à Las Vegas, où, dans les nouveaux casinos qui viennent de pousser, il fait la connaissance de Henry et de son propre désir, celui non tarifé cette fois. Pendant ce temps, sa belle-sœur Muriel, qui s’ennuie profondément dans sa vie de housewife à L.A., développe une passion pour les courses de chevaux et les jeux d’argent, y trouvant là une échappatoire de liberté inédite, avec notamment d’autres femmes seules comme elle.
Le roman de Shannon Pufahl explore les tensions du milieu du XXe siècle dans ce que nous appellerions aujourd’hui des vies queers, un terreau narratif parfait pour une adaptation cinématographique ambitieuse.
Daniel Minahan, un réalisateur habitué des sujets de société
Pour porter cette histoire à l’écran, les producteurs ont fait appel à Daniel Minahan, un choix judicieux. Ce réalisateur américain s’est notamment illustré par son travail sur des séries emblématiques comme « Six Feet Under », « True Blood » ou encore « Game of Thrones ». Son expérience dans la représentation de personnages complexes et de situations socialement sensibles se ressent immédiatement dans « Les indomptés ».
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Découvrez ce livreDaniel Minahan a confié l’adaptation du scénario à Bryce Kass, scénariste connu pour son travail sur la série « Supergirl » (j’avais eu un peu peur, mais en fait, non). Ensemble, ils ont réussi à préserver l’essence du roman tout en créant une œuvre cinématographique autonome. Le film a été présenté en avant-première mondiale au Festival international du film de Toronto 2024, où il a reçu un accueil critique mitigé, mais a su conquérir une partie du public grâce à sa sincérité émotionnelle.

Une reconstitution historique au service du propos
« Les indomptés » excelle dans sa reconstitution de l’Amérique des années 1950. Daniel Minahan et son équipe ont minutieusement recréé cette époque où la prospérité économique masquait en réalité pas mal de tensions sociales. La Californie post-guerre de Corée devient le théâtre d’une quête identitaire où chaque personnage tente de trouver sa place dans une société aux codes rigides, aux décors de carton-pâte dans des villes artificielles qui naissaient en quelques jours à peine.
Le film évite l’écueil de l’esthétisation nostalgique pour proposer un regard critique sur cette période. Les décors, les costumes et la photographie servent le propos sans jamais prendre le dessus sur l’émotion. Cette justesse dans la reconstitution historique permet aux spectateurs de mieux appréhender les enjeux auxquels étaient confrontées les personnes queers de l’époque.
Daisy Edgar-Jones, le talent confirmé venu d’Angleterre
Daisy Edgar-Jones, révélée au grand public dans la série « Normal People » puis confirmée au cinéma avec l’envoûtant « Là où chantent les écrevisses » (actuellement sur Netflix), livre ici sa performance la plus mature. Son interprétation de Muriel navigue avec brio entre la retenue sociale imposée aux femmes des années 1950 et les pulsions de liberté qui l’animent. L’actrice britannique parvient à incarner cette soif d’indépendance sans jamais verser dans le cliché de la femme révoltée.
Deux êtres perdus dans l’océan de l’hétéronormativité qui se reconnaissent sans avoir besoin de mots.
Sa complicité avec Jacob Elordi forme l’un des points forts du film. Leur relation, teintée d’une tendresse quasi fraternelle, illustre parfaitement cette solidarité instinctive qui unit parfois les âmes en marge de la société. Deux êtres perdus dans l’océan de l’hétéronormativité qui se reconnaissent sans avoir besoin de mots. Daisy Edgar-Jones excelle dans ces moments de connivence silencieuse, où un simple regard en dit plus que de longs discours.
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Découvrez ce livreJacob Elordi, bien plus qu’un beau gosse
Après « Euphoria » et « The Kissing Booth », Jacob Elordi nous offre un rôle de personnage gay comme « la commu » en fantasmait depuis des années. Ici, il confirme qu’il est capable de bien plus que des rôles « attendus » et qu’enfin, il va au-delà de ce que « Saltburn » nous avait proposé en termes de queerness. Son Julius déborde d’un charisme magnétique qui justifie immédiatement l’effet qu’il produit sur son entourage. L’acteur australien maîtrise parfaitement cette dualité entre vulnérabilité et assurance qui caractérise les personnages queers contraints de naviguer entre deux mondes.
Sa romance avec le personnage de Diego Calva aurait mérité davantage de développement narratif. Si la chimie entre les deux acteurs est indéniable, on reste quelque peu sur sa faim concernant l’évolution de leur relation. Néanmoins, Elordi parvient à transmettre toute la charge émotionnelle de ces amours impossibles avec une justesse remarquable.

Diego Calva : un rebond réussi après Babylon
Diego Calva, révélé dans l’opulent « Babylon » de Damien Chazelle, confirme son talent dans ce registre plus intimiste. Son personnage, bien que moins développé que ceux de ses partenaires, apporte une dimension authentique à cette fresque californienne. L’acteur mexicain-américain excelle dans les scènes où son personnage découvre sa véritable nature, loin des codes sociaux rigides de l’époque.
Le couple qu’il forme avec Jacob Elordi fonctionne bien, même si on aurait aimé explorer davantage leur histoire. Leurs scènes communes respirent une tendresse rare qui contraste avec la dureté du monde dans lequel évoluent les personnages.
Un portrait juste de la réalité queer des années 1950
Ce qui frappe dans « Les indomptés », c’est cette capacité à montrer sans voyeurisme la réalité des personnes LGBT+ dans l’Amérique maccarthyste. Le film ne verse jamais dans le misérabilisme ou la complaisance. Il montre simplement, avec une empathie rare, ce que signifiait vivre caché pour survivre.
Cette époque où révéler son homosexualité pouvait coûter la vie, l’emploi, la famille.
Daniel Minahan parvient à transmettre cette angoisse permanente, cette vigilance constante, sans pour autant transformer ses personnages en victimes. Julius et les autres personnages queers du film font preuve d’une résilience remarquable, trouvant dans les marges de la société des espaces de liberté et d’authenticité. Cette approche nuancée évite le piège du pathos tout en rendant hommage à ces pionniers malgré eux.

Une conclusion empreinte d’espoir
Contrairement à de nombreuses œuvres traitant de l’homosexualité dans les années 1950, « Les indomptés » refuse le tragique systématique. Le film se conclut sur une note douce-amère qui, sans édulcorer la réalité de l’époque, laisse entrevoir des possibilités d’épanouissement. Cette approche fait du bien tant elle tranche avec la tradition du « bury your gays » (« enterre/tue tes personnages gays » — cette façon d’écrire des histoires de personnes gays qui finissent « forcément » mal), qui empoisonne encore le cinéma et la télévision queer.
Ici, merci (!), Julius ne finit pas dans le caniveau et Muriel n’est pas punie pour ses écarts. Ils trouvent chacun leur manière de vivre authentiquement, même si c’est dans la discrétion. Cette conclusion respecte l’intelligence du spectateur tout en offrant une vision moins désespérante de ces destins marginaux.
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Découvrez ce livrePourquoi « Les indomptés » mérite votre attention
« Les indomptés » n’est pas un film parfait. Son rythme parfois contemplatif peut dérouter, et certains développements narratifs mériteraient d’être approfondis. Mais c’est précisément cette imperfection assumée qui fait son charme. Daniel Minahan a préféré la justesse émotionnelle à l’efficacité narrative, et le résultat est touchant de vérité.
Le film ne fait pas de prosélytisme, mais raconte des histoires humaines avec la complexité qui les caractérise. Cette sincérité transpire à chaque image et touche le spectateur au-delà de ses convictions personnelles.
Ça parle avant tout de ne pas passer à côté de sa vie, de trouver le courage d’être soi malgré les obstacles. Un message universel porté par des interprètes convaincants et un réalisateur qui maîtrise son sujet. En somme, « Les indomptés » mérite largement une seconde chance lors de sa sortie en VOD.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).
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