Le Prince captif : avez-vous lu ce phénomène littéraire queer qui transcende les clichés de la fantasy ?
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 11 septembre 2025 - 🕐 7 minutes
Dans le paysage saturé de la romantasy contemporaine, une œuvre littéraire se distingue : la trilogie « Le prince captif » de l’autrice australienne C.S. Pacat. (À ne pas confondre avec « Le prince cruel »).
Loin des « recommandations » du BookTok, cette saga offre une expérience d’une certaine intensité, mêlant dark romance et politique dans un univers fantasy aux résonances profondément queer. Pour beaucoup, dont moi-même, cette découverte fut une révélation inattendue (vous connaissez mes interrogations sur la dark romance et ses nombreuses adaptations). J’y ai vu une œuvre capable de transcender ses propres codes pour offrir quelque chose d’authentiquement libérateur. Explications.
Ce qui sera abordé :
Nouveau
5,49€

Découvrez ce livre
Nouveauté
Le naufragé du temps & les chroniques d’Albany
Imaginez : c'est comme si « Stranger Things » avait été croisé avec « Les nouvelles aventures de Sabrina ». Le tout, dans les années 90.
Découvrez ce livreGenèse d’un phénomène : du web au succès éditorial
La trilogie comprenant « L’esclave », « Le guerrier » et « Le roi » a été publiée en France par Bragelonne dans la collection Milady en novembre 2017, après le succès international de l’original anglais édité chez Berkley en 2015.
Le fait que « Le prince captif » connaisse un deuxième succès des années après sa sortie peut surprendre, alors qu’en fait non. Car à l’époque de sa première publication, le terme « dark romance »… n’existait pas encore.

L’histoire éditoriale de cette saga est d’ailleurs fascinante : initialement web-fiction gratuite sur le blog personnel de C.S. Pacat (donc, une forme d’auto-édition), l’œuvre a vite conquis une base de fans conséquente en ligne avant d’être reprise par des éditeurs traditionnels. C.S. Pacat, Australienne frustrée par le manque de représentation queer en fantasy, a donc pris le parti de créer un univers où la queerness peut être naturelle et multiforme.
Au fil du temps, « Le prince captif » a donc fini par devenir un phénomène transmédiatique. Le succès de cette trilogie a en effet dépassé le simple cadre littéraire. Sur TikTok et Instagram par exemple, la trilogie a généré au fil des ans une communauté qui a créé fan arts, analyses et discussions. Cette dimension transmédia témoigne de la richesse de l’univers et de l’attachement aux personnages au fil des ans.
Je suis Jérôme Patalano, auteur édité et auto-édité, et j’ai de chouettes livres à vous proposer, que vous pouvez découvrir sur ma page livres ou directement sur mon espace Amazon. N’hésitez pas à y jeter un oeil !
Mais alors, pourquoi ça cartonne ?
Là où la chose est nouvelle dans le paysage littéraire, notamment français, c’est qu’un éditeur généraliste a jeté son dévolu sur une histoire particulière loin des succès de vente dans une catégorie bien particulière : la dark romance gay. Surtout qu’à l’époque de sa sortie, il n’était pas vendu comme tel. Il l’est comme ça maintenant… grâce au Booktok et au développement marketing ultra-rapide de cette catégorie de romans.
Ainsi, pour toute une nouvelle génération de client-es potentiel-les, « Le Prince captif » établit un nouveau standard pour la représentation queer en littérature, prouvant qu’il est possible de créer des personnages LGBTQIA+ complexes sans exploitation ni caricature. L’œuvre a même ouvert la voie à une nouvelle génération d’auteurs de fantasy queer (coucou !), prouvant l’existence d’un public pour des œuvres ambitieuses mêlant politique, romance et représentation LGBTQIA+.

Une dark romance gay qui réinvente les codes, entre pouvoir et rédemption
« Damen, héros et légitime héritier d’Akielos, est trahi par son demi-frère, capturé et offert comme esclave au prince Laurent, du royaume ennemi de Vère. »
Cette prémisse, qui pourrait sembler un pur fantasme érotique, cache une sophistication narrative remarquable. Le génie de l’autrice ? Utiliser cette situation extrême comme métaphore des dynamiques de pouvoir. Laurent, beau, manipulateur et dangereux, incarne initialement le pire de Vère. Pourtant, cette relation toxique évolue vers quelque chose de nuancé, révélant les blessures cachées de chacun.
Les héros évitent ici le piège de « l’instant-love » pour une progression crédible, faite de méfiance, malentendus et révélations. La romance est d’ailleurs quasi inexistante dans le premier tome. Mais la tension finit par s’installer pour exploser dans les suivants… Cette authenticité de leurs relations finit par se ressentir dans le traitement de la sexualité, ni voyeuriste ni pudibonde.
De plus, dans la toile politique mortelle de Vère, rien n’est comme il semble. Et cette dimension politique ajoute une profondeur, ancrant les enjeux personnels dans un contexte géopolitique crédible.
Les personnages ne sont pas non plus des archétypes, mais des êtres complexes, façonnés par des traumatismes et des responsabilités. Cette finesse psychologique évite l’écueil de la romance « hors-sol » pour proposer une réflexion sur pouvoir, manipulation et rédemption.
Promotion
0,99€

Découvrez ce livre
Chasseurs de l’ombre : l’héritage maudit
Un récit mêlant action, dark magic, émotions intenses et vampires dans un Paris souterrain rempli de secrets. Oserez-vous plonger dans leur univers ?
Découvrez ce livreUn concept original : un monde où l’hétérosexualité n’est pas « la norme »
Ce qui distingue « Le prince captif », c’est son approche radicale : la majorité des personnages sont des hommes queer. L’hétérosexualité devient presque l’exception, abordée uniquement pour créer des héritiers. Cette inversion des normes hétéronormatives permet aux lecteurs queer de vivre une expérience où leur identité n’est plus marginale, mais centrale.
Ainsi, dans les royaumes de C.S. Pacat, les relations homosexuelles ne suscitent ni scandale ni surprise. Elles sont même valorisées, célébrées, explorées dans toute leur complexité. Cette normalisation offre aux lecteurs queer une expérience où leurs identités ne sont plus problématiques, renversement symbolique puissant pour des personnes habituées à être minoritaires.

Pourtant, c’est une histoire queer passée sous les radars de la communauté LGBTQIA+ en France
Pour les lecteurs qui se définissent comme « hommes » et « gay » entre autres, découvrir cette trilogie pourrait pourtant être une expérience libératrice. Dans un paysage où la romance gay est souvent écrite par et pour des femmes « cis et hétérosexuelles » dans des situations fantasmées et parfois hors sol, C.S. Pacat propose ici une vision plus authentique et vraie des relations entre hommes. Cette authenticité se ressent dans tous les aspects : psychologie, interactions sociales, sexualité, relations familiales.
Damen et Laurent offrent des modèles d’identification positive, loin des clichés victimaires ou hypersexualisés. Forts, intelligents, capables d’amour comme de leadership, ils contribuent à déconstruire les stéréotypes intériorisés. Ils ne correspondent aux archétypes « dominant/soumis » qui polluent dans le genre de la dark romance. Complexes et faillibles, Damen et Laurent permettent une identification riche pour les lecteurs gays qui se reconnaissent enfin dans des personnages non caricaturaux.
Côté « violences et traumas », l’œuvre contient des descriptions graphiques (flagellations, violences) qui permettent d’explorer les traumatismes sans les édulcorer. Car la dark romance souffre souvent de relations toxiques romantisées et d’absence de consentement éclairé. « Le Prince captif » navigue habilement pour éviter ces écueils avec une approche mature et psychologiquement réaliste.

Oui, c’est écrit par une femme, et non, ce n’est pas que pour des lectrices cis hétéro
Le préjugé tenace qui veut que la romance MM soit principalement « une lecture pour des femmes hétéros et cis » n’aide pas à la découverte d’histoires MM (j’en sais quelque chose). « Le Prince captif » démontre l’absurdité de cette catégorisation en parlant pourtant de façon authentique aux hommes gays (entre autres) tout en satisfaisant ses lectrices traditionnelles.
Plutôt que projeter des fantasmes féminins sur des corps masculins (je ne vise personne, hein), C.S. Pacat s’efforce de comprendre l’expérience gay masculine dans sa spécificité. Cette approche respectueuse évite le « male gaze inversé » pour une représentation authentique. Et c’est réussi.
Mais pourquoi au fait cette attraction pour ce type de lectures auprès des jeunes femmes, en moyenne de 16 à 35 ans ? Parce qu’elles recherchent souvent une certaine égalité relationnelle, un évitement des stéréotypes de genre, et l’exploration d’une sexualité libérée face aux attentes et normes sociales… Les lectrices valorisent aussi l’aspect romantique et l’esthétique de l’univers.
Promotion
1,99€

Découvrez ce livre
Zacharie & Jérémy – Rencontre surnaturelle au Louvre
Découvrez cette nuit faite de magie, de rebondissements et de passion, qui ravira les amoureux de cocktail fantasy/fantastique et MxM. La lecture parfaite pour Halloween !
Découvrez ce livre« Le Prince captif » s’impose comme l’une des œuvres les plus significatives de la littérature queer contemporaine. En mêlant habilement dark romance, intrigue politique et représentation authentique, cette trilogie transcende les catégories traditionnelles.
Pour les lecteurs gays, l’œuvre offre enfin des personnages auxquels s’identifier sans réserve, dans un univers où leur sexualité n’est ni problématique ni exotique. Pour l’ensemble des lecteurs, elle démontre que la littérature queer peut atteindre les plus hauts sommets artistiques sans sacrifier son authenticité.
Le succès de cette trilogie ouvre la voie à une nouvelle génération d’œuvres queers ambitieuses. En refusant les facilités du genre tout en respectant ses codes, C.S. Pacat a créé un modèle qui continue d’inspirer. Dans un paysage littéraire en mutation, « Le Prince captif » fait figure de pionnier, prouvant que la romance gay peut être populaire et exigeante, divertissante et révolutionnaire à la fois.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).



Les commentaires sont validés en amont par l'éditeur. Tout commentaire enfreignant les règles communes de respect en société ne sera pas publié.