House of Guinness : au sujet d’Arthur et de son héritage queer supposé, la série de Netflix en ferait-elle trop ?
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 5 octobre 2025 - 🕐 4 minutes
« House of Guinness », la série historique Netflix créée par Steven Knight (à qui l’on doit Peaky Blinders) retrace la saga familiale de l’empire brassicole irlandais au XIXe siècle. Au cœur de cette fresque, le personnage d’Arthur, incarné par Anthony Boyle, fait face à une question sensible : était-il réellement homosexuel et a-t-il dû pratiquer un « mariage de lavande » pour dissimuler son orientation ?
La série mêle fiction et réalité, alimentant débats et controverses sur sa véracité historique et sa portée symbolique…
Ce qui sera abordé :

« House of Guinness » : de quoi parle la série déjà ?
« House of Guinness » plonge dans l’Irlande du XIXe siècle, à Dublin, au lendemain de la mort du patriarche Sir Benjamin Guinness. Elle dresse le portrait d’une famille emblématique, confrontée aux enjeux de l’héritage, de l’ambition et des secrets. La série, diffusée depuis fin septembre 2025, s’inscrit dans une tendance plus large de narration historique revisitant des figures et des événements avec une revisite souvent romancée, mais documentée. Elle s’appuie sur une base historique réelle : la famille Guinness a bien existé, tout comme certains événements évoqués, notamment la carrière politique d’Arthur Guinness et la spéculation sur ses préférences sexuelles.
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Découvrez ce livreZoom sur le personnage « controversé » d’Arthur Guinness
Dans la fiction, Arthur apparaît comme un homme complexe, tiraillé entre ses aspirations aristocratiques et les contraintes familiales. Anthony Boyle livre une performance remarquée, incarnant un Arthur à la fois élégant, fragile et discret. La série évoque sa possible homosexualité, un sujet sensible pour l’époque, dans un contexte où le mariage de lavande (sort de mariage de convenance pour dissimuler une orientation homosexuelle) était une pratique courante dans certaines élites aristocratiques ou même bohèmes.
La relation d’Arthur avec Lady Olivia (excellente Danielle Galligan) est particulièrement remarquée. La série la présente en effet comme une épouse « libre » et indépendante, qui prend en main la destinée de son mariage, illustrant un certain rapport au pouvoir et à l’émancipation. Danielle Galligan, actrice irlandaise, offre là une interprétation dynamique et nuancée, enrichissant la représentation des femmes aristocratiques de l’époque.

Mais alors, qu’en est-il de la véracité historique des faits et des mœurs avancés ?
L’importance historique du mariage de lavande est indéniable. Ce terme, apparu dès la fin du XIXe siècle, désignait un mariage de convenance visant à dissimuler une homosexualité ou bisexualité, souvent dans le contexte du Hollywood des années 1920, mais aussi en Europe. Ce phénomène, mêlant pressions sociales, questions de carrière et stigmatismes, représente une stratégie de survie pour certains individus issus des milieux conservateurs ou exigeants.
Cependant, il faut nuancer la portée de cette pratique : de nombreux experts contemporains soulignent que l’utilisation du terme et la réalité historique sont souvent déformées ou excessivement romancées dans la fiction populaire. La véracité des détails, notamment dans le cas d’Arthur Guinness, demeure sujette à controverse. Si certains documents attestent de relations possibles, aucune preuve indiscutable ne corrobore une homosexualité avérée ou une pratique du mariage de lavande dans son cas précis.
Divergences entre les sources officielles et leurs interprétations
Les sources sérieuses, comme The Irish Times ou des biographes historiques, échangent sur l’existence ou non d’une vie homosexuelle chez Arthur Guinness. La majorité des historiens demeure prudente, insistant sur le fait que les sources directes manquent ou sont ambiguës. En revanche, des analyses plus sensationnalistes ou certaines interprétations romancées tendent à faire de ce personnage une figure emblématique de la double identité et de la clandestinité, répondant aux attentes modernes de représentation LGBTQ+.
Le producteur Steven Knight, lui, affirme que la série, tout en s’inspirant de faits réels, privilégie la liberté créative pour explorer les enjeux du pouvoir, de l’héritage et du secret, y compris la sexualité. Il insiste aussi sur l’importance de représenter des figures complexes et souvent censurées dans l’histoire, même si cela soulève des débats éthiques et historiques.

Mais alors, c’est quoi l’intérêt, si on n’est pas sûr ?
« House of Guinness » pose la question de la place de la communauté LGBTQ+ dans la mémoire collective et dans la narration historique. La série sert à la fois de clin d’œil à une histoire occulte et de miroir à notre époque, où la visibilité et la diversité sexuelle prennent une importance cruciale dans la culture populaire. La représentation d’un personnage comme Arthur, pour autant qu’elle soit tragicomique ou romancée, ouvre un espace de réflexion sur la réappropriation de figures historiques et leur complexité masquée.
L’avenir de telles œuvres dépendra de la capacité des plateformes à équilibrer rigueur historique et liberté créative. La série pourrait inspirer une nouvelle génération à questionner l’héritage familial, la masculinité et la tolérance à travers le prisme des figures historiques, réelles ou fictionnelles.
« House of Guinness » illustre ainsi la tension entre vérité historique et fiction, et entre enjeux queers et narration épique. La série, tout en divertissant, interpelle sur la façon dont l’histoire peut être réinterprétée, parfois à dessein, pour mieux révéler ses zones d’ombre. La question de l’homosexualité chez Arthur Guinness reste ouverte, mais elle souligne surtout la nécessité de continuer à explorer ces figures avec rigueur et nuance face aux légendes qu’on leur prête.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).
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