Comment la série « Hannibal » a-t-elle transformé le crime-show en un sombre conte queer
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 4 novembre 2025 - 🕐 4 minutes
« Hannibal », la trop courte série télé de Bryan Fuller, s’impose par sa beauté visuelle, son audace narrative et un sous-texte queer troublant entre « Hannibal » Lecter et Will Graham.
Dix ans après son annulation, les acteurs principaux se disent prêts à reprendre leurs rôles et le créateur affirme travailler encore à une saison 4. Retour sur cet ovni culte.
Ce qui sera abordé :
Créée par Bryan Fuller, la série « Hannibal » s’inspire des romans de Thomas Harris qui ont donné naissance à des personnages cultes. Elle compte 3 saisons diffusées entre 2013 et 2015 sur NBC, avant d’être annulée en raison d’audiences jugées faibles.
Elle met en scène « Hannibal » Lecter, psychiatre cannibale, et Will Graham, profiler du FBI capable de se projeter dans l’esprit des tueurs. Hugh Dancy incarne Will avec intensité, face à Mads Mikkelsen qui reprend le rôle de Lecter avec une élégance glaçante. Gillian Anderson rejoint le casting en Bedelia Du Maurier, psychiatre ambiguë et fascinante.

Malgré son arrêt, la série bénéficie d’une aura culte. Les critiques saluent sa singularité et son audace esthétique, mais aussi sa lenteur assumée et son refus des codes habituels du thriller télévisuel.
Peu connue du grand public, la « série Hannibal » a pourtant marqué une génération de spectateurs et de critiques par son exigence artistique et son audace narrative.
« Hannibal », un chef-d’œuvre télévisuel malheureusement trop discret
« Hannibal » se distingue par une esthétique qui transforme l’horreur en objet d’art. Les repas sanglants de Lecter sont filmés comme des natures mortes. Les meurtres deviennent des compositions visuelles. Chaque plan est travaillé comme une peinture baroque, chaque lumière souligne la frontière entre fascination et répulsion. Bryan Fuller décrit sa série comme un « tiramisu » de couches symboliques et sensorielles, destinée à envoûter autant qu’à troubler.
Cette sophistication visuelle s’accompagne d’une narration complexe. L’intrigue progresse lentement, souvent dans le non-dit et le jeu de regards, jusqu’à brouiller les repères du spectateur. Le face-à-face entre « Hannibal » et Will devient une danse psychologique qui oscille entre manipulation, séduction et destruction. Gillian Anderson, dans son rôle mystérieux, ajoute une profondeur supplémentaire en incarnant la psychiatre qui observe tout avec une froideur clinique.
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Découvrez ce livreLe sous-texte queer au cœur de l’intrigue
L’un des aspects les plus commentés de la série reste son sous-texte queer. La relation entre « Hannibal » et Will n’est jamais explicitée comme une romance, mais elle s’impose comme une tension homoérotique constante. Fuller a reconnu que cette dimension s’est accentuée au fil des saisons, jusqu’à devenir un élément moteur du récit.

Le jeu de miroir entre Will et « Hannibal » exprime à la fois l’attirance, la peur et l’obsession. Will se demande explicitement ce qu’il ressent pour Lecter. La série représente souvent les corps masculins de façon sensuelle, plus encore que les corps féminins, et multiplie les scènes où l’intimité dépasse les frontières de la simple manipulation psychologique. Cette ambiguïté fait de « Hannibal » une œuvre rare dans le paysage télévisuel, qui interroge autant le désir que la monstruosité.
Le statut culte acquis par la série dès ses débuts, resté intact dix ans après
En France, la presse culturelle a salué la puissance esthétique et la singularité de la série. Les performances de Mads Mikkelsen et de Hugh Dancy sont régulièrement citées comme l’une des plus grandes forces du programme, tout comme la présence troublante de Gillian Anderson. À l’international, les critiques reconnaissent l’audace de Fuller, qui a su transformer un thriller policier en expérience sensorielle et émotionnelle.

La série est cependant restée confidentielle auprès du grand public, ses audiences modestes n’ayant pas suffi à convaincre NBC de la prolonger. C’est précisément cette discrétion qui contribue aujourd’hui à son statut culte. Les spectateurs qui s’y plongent découvrent une œuvre atypique, parfois exigeante, mais d’une richesse rare.
« Hannibal » : bientôt une saison 4 ?
Depuis des années, Bryan Fuller répète qu’il imagine une saison 4. En 2024 encore, il se disait « très optimiste » et assurait que l’ensemble du casting, de Mads Mikkelsen à Hugh Dancy en passant par Gillian Anderson, souhaitait revenir.
Fuller évoque l’idée d’un saut temporel de plusieurs années après le final de la saison 3, avec une exploration plus introspective des conséquences psychologiques sur ses personnages.

Si l’envie est bien réelle, les obstacles demeurent nombreux. Les droits liés aux romans de Thomas Harris doivent être renégociés. Une plateforme doit aussi accepter de financer une production coûteuse et exigeante, alors même que le paysage audiovisuel a profondément évolué depuis 2015.
Le temps qui passe complique encore l’équation, même si Fuller affirme que l’âge des acteurs pourrait renforcer l’impact dramatique d’un retour.
« Hannibal » reste une œuvre à part, un joyau sombre et élégant qui interroge autant le désir que la violence. Son sous-texte queer, sa beauté plastique et son audace en font une série incontournable pour qui s’intéresse à l’art télévisuel et à ses marges. La série vit comme une relique précieuse, une expérience esthétique et queer que l’on redécouvre avec fascination dix ans après.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).




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