Entre maccarthysme et sida, « Fellow Travelers » est le chef-d’œuvre gay télévisuel le plus important et intense de la décennie
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 3 décembre 2025 - 🕐 5 minutes
Une fresque amoureuse qui traverse quatre décennies de répression homophobe, des scènes de sexe torrides entre deux acteurs au sommet de leur art, et un témoignage historique indispensable sur la condition gay aux États-Unis.
« Fellow Travelers » (« Compagnons de route », si on devait le traduire), disponible sur Canal+ depuis janvier 2024, s’impose déjà comme une œuvre culte pour la communauté LGBT et au-delà.
Ce qui sera abordé :
En 1952, alors que le sénateur Joseph McCarthy orchestre sa tristement célèbre chasse aux sorcières, deux hommes se rencontrent à Washington. Hawkins Fuller, vétéran de guerre charismatique et ambitieux fonctionnaire au Département d’État, croise le regard de Timothy Laughlin, jeune idéaliste catholique fraîchement débarqué dans la capitale. Le coup de foudre est immédiat, la passion dévorante, mais l’époque impitoyable.
Cette mini-série en huit épisodes créée par Ron Nyswaner, scénariste oscarisé de Philadelphia, retrace leur relation tumultueuse sur trente ans, de la Peur violette des années 1950 jusqu’aux ravages du sida dans les années 1980. Produite par Showtime et adaptée du roman éponyme de Thomas Mallon publié en 2007, « Fellow Travelers » a été diffusée aux États-Unis entre octobre et décembre 2023 avant d’arriver en France sur Canal+.

Un casting qui met le feu aux écrans
Matt Bomer et Jonathan Bailey forment un duo explosif qui transcende l’écran. Le premier, que l’on a vu dans énormément de séries, dont « American Horror Story », incarne Hawk avec une justesse troublante. À 46 ans, l’acteur américain ouvertement gay apporte toute sa sensualité et sa complexité à ce personnage torturé, coincé entre ses ambitions politiques et ses désirs interdits.
Face à lui, Jonathan Bailey, révélé dans « La Chronique des Bridgerton » sur Netflix et à l’affiche de plusieurs films en 2025 dont « Wicked », compose un Tim à la fois naïf et passionné. Le Britannique de 36 ans, qui a fait son coming-out en 2018, délivre ici une performance bouleversante qui lui a valu le Critics Choice Award du meilleur acteur dans un second rôle en janvier 2024. La chimie entre les deux hommes est palpable dès leurs premières scènes, créant une alchimie rare que même les producteurs ont qualifiée d’électrique lors de leur toute première lecture commune.
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« Fellow Travelers » marque un tournant dans la représentation de la sexualité gay à la télévision. Le créateur Ron Nyswaner a imposé deux règles strictes lors du tournage des séquences intimes : chaque scène devait illustrer un rapport de pouvoir selon la citation du poète Oscar Wilde, et aucun acte sexuel ne devait être répété deux fois dans la série. Résultat : des moments d’une sensualité brute et authentique, où domination et tendresse s’entremêlent.
Les réalisateurs, menés par Daniel Minahan, ont encouragé les acteurs à repousser les limites, leur demandant littéralement d’aller trop loin et de les effrayer. Matt Bomer et Jonathan Bailey se sont prêtés au jeu avec un engagement total, créant des scènes qui ont fait exploser les réseaux sociaux. De la fameuse séquence où Tim suce les orteils de Hawk jusqu’aux ébats enflammés qui ponctuent leur relation, chaque moment intime raconte l’évolution de leur couple. Et oui, cela se voit à l’écran : les deux acteurs ont pris un plaisir manifeste à jouer ces séquences, apportant une authenticité rare qui dépasse largement le simple voyeurisme.

Une leçon d’histoire indispensable pour tous
« Fellow Travelers » documente avec une précision remarquable un pan méconnu de l’histoire américaine : la Lavender Scare, cette traque systématique des homosexuels dans l’administration pendant les années 1950. Ron Nyswaner a mené des recherches approfondies, utilisant les transcriptions authentiques des auditions de McCarthy et les vraies questions posées lors des tests au détecteur de mensonges imposés aux présumés homosexuels. La série traverse ensuite les manifestations contre la guerre du Vietnam dans les années 1960, l’hédonisme libéré de Fire Island dans les années 1970, jusqu’à l’explosion de l’épidémie de sida dans les années 1980 à San Francisco. Cette fresque montre sans fard la violence de la société envers les gays, mais aussi comment certains schémas de domination masculine peuvent se reproduire, même dans les couples homosexuels. Un témoignage crucial qui éduque les hétérosexuels sur l’oppression subie par la communauté LGBT tout en rappelant aux jeunes générations queers le prix payé par leurs aînés pour leur liberté actuelle.

Une reconnaissance critique immédiate
Dès sa sortie, « Fellow Travelers » a reçu un accueil triomphal. Nommée aux Golden Globes 2024 dans les catégories meilleure mini-série et meilleur acteur pour Matt Bomer, elle a remporté le prestigieux Peabody Award pour avoir chroniqué cinquante ans d’histoire LGBT avec brio. Les critiques ont unanimement salué la chimie captivante entre Bomer et Bailey, la qualité d’écriture de Ron Nyswaner et l’audace de sa mise en scène. Le casting secondaire mérite aussi d’être souligné : Allison Williams incarne Lucy, « l’épouse de façade » de Hawk, tandis que Jelani Alladin et Noah J. Ricketts interprètent Marcus et Frankie, couple gay noir dont l’histoire parallèle enrichit magnifiquement le propos.
Cette série est un électrochoc, vraiment. J’y pense encore tellement elle m’a bouleversé de bout en bout, en me faisant passer par toutes les émotions possibles. Voir Matt Bomer et Jonathan Bailey s’aimer, se déchirer, jouir et pleurer avec une telle intensité m’a rappelé pourquoi je fais ce métier : pour célébrer des œuvres qui osent tout montrer, la beauté comme la laideur, le plaisir comme la douleur.
« Fellow Travelers » n’est pas seulement une grande série queer, c’est une grande série, point final. Une œuvre nécessaire. Si vous ne l’avez pas encore vue, rattrapez immédiatement cette erreur !

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).




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