Pourquoi « Entretien avec un vampire » est une série queer majeure de la télé et une réussite pour AMC ?
Publié le 11 août 2025 - Temps de lecture : 5 minutes
« Entretien avec un vampire » revient dans une adaptation télévisée éblouissante. Les deux premières saisons sont déjà disponibles sur Canal+ et AMC vient d’annoncer la troisième.
Issue de la plume visionnaire d’Anne Rice, la saga « Entretien avec un vampire » s’impose depuis 1976 comme une référence absolue en termes de roman fantastique et se situe souvent dans les tops ventes de livres fantasy. Explorant l’âme humaine à travers ses créatures de la nuit, la série, au succès critique, est une vraie caisse de résonance queer et inclusive.

Qui était Anne Rice et pourquoi ses « Chroniques des vampires » sont incontournables ?
Anne Rice a marqué la littérature avec ses sagas immersives, construites autour de la mort, de l’érotisme et de la quête identitaire. Son best-seller « Entretien avec un vampire » (premier volet publié en 1976 d’une saga de 13 romans baptisée Les Chroniques des vampires, vendue à plus de 100 millions d’exemplaires), a renouvelé le genre du roman fantastique. Disparue subitement le 11 décembre 2021 après un AVC, Anne Rice laisse une œuvre majeure où la marginalité et le questionnement identitaire rencontrent la mythologie vampirique.
En tant qu’autrice et productrice exécutive sur la série, elle a veillé à préserver la profondeur des personnages et la richesse du récit gothique, une tradition désormais portée par son fils Christopher Rice depuis sa mort.
Entretien avec un vampire : résumé de ce chef-d’œuvre fantastique
« Entretien avec un vampire » explore l’histoire de Louis de Pointe du Lac, aristocrate transformé à la fin du 19e siècle à la Nouvelle-Orléans en vampire par le fascinant Lestat de Lioncourt, et leur odyssée à travers les siècles. Cette saga complexe aborde l’immortalité, la solitude, le désir, tout en distillant un sous-texte LGBT devenu la marque de cette saga. À ce jour, la série compte 13 tomes principaux, dont « Lestat le vampire » (1985), « La reine des damnés » (1988) ou encore « Armand le vampire » (1998).

En 2022, l’annonce d’une série télé inclusive : entre polémique et attentes
En 2022, AMC, à qui l’on doit entre autres « Mad Men » et « The Walking Dead », annonce la série « Entretien avec un vampire », confiée à Rolin Jones, avec un casting résolument inclusif. Jacob Anderson, acteur noir (« Ver Gris », le commandant des Immaculés dans “Game of Thrones”, c’est lui) incarne Louis face au magnétique Australien Sam Reid (Lestat). Naturellement, certains fans crient à la trahison. La question du racisme latent, du refus des personnages noirs ou queers dans la pop culture, n’est jamais bien loin, et la polémique enfle dès l’annonce. Moi-même auteur de livres avec des héros queer, j’avais été surpris par le choix audacieux de ce casting, car, comme tout le monde, j’avais Brad Pitt et Tom Cruise encore en tête. Mais la surprise n’a pas duré. Car la série m’a giflé par sa qualité.
Sublime : visuellement bluffante, la série est portée par un casting exceptionnel (attention, spoilers)
Dès les premiers épisodes, « Entretien avec un vampire » s’impose visuellement : décors somptueux, costumes gothiques dignes, lumière ciselée jusqu’à sublimer chaque goutte de sang… Le show se distingue par un soin accordé à la réalisation, renforcé par un jeu d’acteurs exceptionnel. Jacob Anderson apporte une sincérité déchirante à Louis ; Sam Reid incarne parfaitement un Lestat narcissique et envoûtant ; Delainey Hayles, nouvelle Claudia de la saison 2, est d’une émotion rare. Spoilers (!) Impossible, par exemple, de ne pas être bouleversé par cette scène où elle meurt d’une façon atroce. D’une violence émotionnelle rare, ce moment secoue aux larmes même les cœurs les plus endurcis.
Quant à la bande-son, elle conjugue magnificence orchestrale et modernité. Plusieurs prix et nominations distinguent le travail sur les costumes, la lumière et la performance de Jacob Anderson et Sam Reid.

« Mise à jour » de l’œuvre : diversité, richesse narrative et fidélité
L’action se déplace cette fois à Dubaï : Louis, désormais homme d’affaires raffiné, livre un témoignage bouleversant à Daniel Molloy (Eric Bogosian), déroulant une confession sur 70 ans d’amour toxique et d’exil. Cette « mise à jour dubaïote » pourrait prêter à sourire, alors qu’en réalité, elle est intelligente. Cela permet d’encore plus ancrer ce récit de plus de cinquante ans à notre époque. L’histoire permet également d’explorer des enjeux très contemporains : racisme, représentation LGBT+, capitalisme, exil… Loin de trahir le matériau original, le scénario reste fidèle à l’esprit d’Anne Rice, tel qu’elle-même l’a voulu.
Sous-texte LGBT : la relation toxique entre Louis et Lestat
Dans le film « Entretien avec un vampire », réalisé en 1994 par Neil Jordan, étaient mis en vedette Tom Cruise (Lestat), Brad Pitt (Louis), Kirsten Dunst, Antonio Banderas et Christian Slater. Neil Jordan, connu notamment pour « The Crying Game », a sublimé le roman entre flamboyance visuelle et trouble érotique. L’œuvre reste pionnière dans la représentation du sous-texte LGBT, à une époque où l’homosexualité demeurait largement taboue à Hollywood. Le film adapte principalement le premier tome et s’autorise plusieurs nuances autour de la relation ambiguë et passionnelle de Louis et Lestat, offrant au spectateur une expérience émotionnelle rare.

En 2025, oubliez le « sous-texte » de 1994. Ici, tout est « frontalement » assumé ! Dans cette adaptation, Louis et Lestat vivent une relation aussi passionnelle que toxique à coups de « je t’aime moi non plus, fuis-moi , je te fuis ». Le couple que forme Louis avec Armand pourrait carrément être considéré comme un « power couple ». Quant à Lestat, il n’a jamais caché sa bisexualité. C’est là tout le charme de produire un show avec des vampires : on l’utilise pour imager nos peurs les plus profondes… comme nos désirs les plus inavouables.

La série s’affirme sans détour comme une référence du fantastique LGBT, où la différence (sexuelle, raciale, existentielle) devient source de force. À titre personnel, en tant qu’auteur gay d’histoires fantastiques et de livre fantastique ado queer (voir mes romans « Chasseurs de l’ombre » ou encore « De l’autre côté des étoiles »), l’émotion de cette série m’a touché de façon viscérale.
Saison 3 : The Vampire Lestat, la révolution glam rock annoncée pour 2026

En juin 2024, AMC confirme la saison 3 pour 2026, sous le nouveau titre « The Vampire Lestat ». Cette fois, le point de vue s’inverse : ce n’est plus Louis qui témoigne. Le POV est celui de Lestat. Ce dernier devient la star, littéralement, notamment dans un groupe glam rock à succès… Est-on surpris ? Bien sûr que non. Les premières images, dévoilées en juillet 2025, révèlent une esthétique électrisante. Les fans trépignent, impatients de retrouver ce pan de l’univers si cher à Anne Rice.
« Entretien avec un vampire » s’impose comme une œuvre magistrale où la force du fantastique rencontre l’affirmation LGBT et le drame intemporel. Cette série, entre flamboyance gothique et émotions brutes, réussit là où tant d’autres ont échoué : marier fidélité à l’œuvre, audace visuelle et revendication queer assumée. Si vous aimez les univers sombres, les histoires de vampires, le roman fantastique ado et la diversité, ce chef-d’œuvre est fait pour vous (et mes livres aussi).