Saisons 3 de Squid Game & Alice in Borderland : pourquoi la violence y est-elle aussi gratuite, graphique et décomplexée ?
Écrit par Jérôme Patalano - Publié le 4 août 2025 - 🕐 5 minutes
Si le phénomène des séries asiatiques “violentes” n’est pas nouveau, rares sont les productions qui ont réussi à autant captiver le monde que Squid Game et Alice in Borderland.
En 2025, entre juin et juillet, l’actualité a fait vibrer les fans : alors que Squid Game venait tout juste de tirer sa révérence avec une saison 3 définitive, la bande-annonce de la très attendue Alice in Borderland saison 3 a été dévoilée quasi en même temps, après plus de deux ans et demi d’attente (!) des fans.
Ce qui sera abordé :
Deux séries, deux symboles, mais un même fil rouge : une violence frontale, glaçante, où le jeu devient survivalisme, miroir d’une société angoissée. Que raconte ce succès mondial des « drama » venus de Corée du Sud ou du Japon, et sur notre (insatiable) appétit pour le spectacle du sang ?
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Squid Game, c’est le chef-d’œuvre imaginé par Hwang Dong-hyuk, scénariste et réalisateur sud-coréen, aujourd’hui l’une des personnalités les plus influentes au monde dans le divertissement. Diffusée pour la première fois en 2021 sur Netflix, la série a pulvérisé les records avec 265 millions de visionnages pour ses débuts et plus de 270 millions de vues sur l’ensemble de son parcours. Face à un succès critique et public inégalé, la plateforme a prolongé l’histoire, poussant son créateur à livrer une trilogie, malgré les réticences de ce dernier à diluer sa critique sociale originelle.
La saison 3 de Squid Game n’a pas déçu dans son intensité dramaturgique et sa conclusion cruelle. (Attention spoilers en suivant) Seong Gi-hun (l’acteur Lee Jung-jae), héros emblématique, y trouve une fin tragique, et c’est à travers le triomphe inattendu d’un nouveau-né que l’auteur signe un dernier pied de nez glaçant à la fatalité des jeux et à l’inhumanité du système. Le vainqueur « innocent » sert la fable : le monde ne sera sauvé que si la prochaine génération rompt avec les logiques cyniques de l’adulte.

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Côté Japon, le thriller Alice in Borderland s’apprête à faire aussi parler la poudre. La saison 3 posera ses valises sur Netflix le 25 septembre 2025. Une attente qui se termine enfin pour les fans, qui attendaient depuis décembre 2022.
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Découvrez ce livreCréée par Shinsuke Sato, adaptée du manga d’Haro Asō, la série met en scène Arisu (Kento Yamazaki – prononcez A-LI-SSOU, qui n’est autre que la version japonaise à l’oral du prénom « Alice »), jeune asocial propulsé dans un Tokyo parallèle sinistre où chaque survivant doit remporter des jeux mortels pour espérer s’en sortir. Le succès est immédiat pour cette nouvelle vague de « survival horror » nippon, acclamée pour sa réalisation immersive et son intensité narrative. La saison 3, dont la bande-annonce promet de nouveaux défis pour Arisu et Usagi (Tao Tsuchiya), va explorer le retour du couple dans un Borderland plus tordu que jamais, où la frontière entre rêve, cauchemar et réalité s’efface.
Les clés du succès : originalité ou adaptation ?
La force de Squid Game saison 3 réside dans l’inédit. Né d’une idée originale, le scénario ose mêler critique sociale, tension psychologique et jeu de massacre, sur fond de désespérance économique. L’auteur, Hwang Dong-hyuk, a puisé dans la réalité coréenne mais aussi dans ses souvenirs personnels pour créer Gi-hun et son jumeau négatif, Cho Sang-woo (Park Hae-soo).
À l’inverse, Alice in Borderland s’appuie sur un matériau manga solide. La fiction de Haro Asō, déjà mature en version papier, trouve une seconde vie dans une adaptation ultra-cinégénique par Shinsuke Sato, déjà connu pour Death Note: Light Up the New World et I Am a Hero. Le casting, mené de main de maître par Kento Yamazaki et Tao Tsuchiya, y apporte une humanité fragile.
Une violence à visage découvert
Ce qui frappe dans Squid Game comme dans Alice in Borderland, c’est cette violence décomplexée, stylisée à l’extrême, qui va jusqu’au malaise. Les jeux sont autant de dispositifs pour révéler la nature humaine, sans filtre. Dans Squid Game, chaque épreuve rappelle l’absurdité d’un monde où seuls les plus désespérés se prêtent au spectacle, avec des tableaux d’exécution collective aussi froids qu’une loterie mortelle. L’iconographie sanglante (masques stylisés, couleurs criardes, bruit des balles) reste en mémoire longtemps après l’écran noir.
Alice in Borderland, de son côté, cultive une approche plus psychologique mais tout aussi radicale : au fil de ses parties ultra-brutales, l’introspection des personnages, confrontés à l’arbitrage entre trahison et survie, pousse la tension à son paroxysme. Certains jeux marquent par leur sadisme (dans la saison 2, la partie des « cœurs » force Arisu à juger et sacrifier ses amis), d’autres fascinent par leur cruauté froide, menant le spectateur au malaise, mais aussi à la réflexion.

Pourquoi autant d’aisance avec la violence dans ces séries ?
Plus qu’un simple effet de mode, cette sur-représentation du gore et du survival dans les séries coréennes et japonaises découle de traditions culturelles différentes, mais aussi d’une volonté de traiter les angoisses modernes. Au Japon, le motif du jeu mortel, popularisé dès Battle Royale (2000), cristallise l’idée que l’individu n’est qu’un pion dans des mécaniques implacables, qu’il s’agisse du travail, de la société ou de la mort. La Corée du Sud, elle, puise dans un imaginaire plus critique encore. Ses séries aiment révéler les failles du capitalisme, l’endettement massif, ou la précarité grandissante.
En se saisissant de jeux d’enfants détournés, Squid Game porte ainsi à l’incandescence une angoisse collective : celle d’un monde où chacun joue sa vie pour survivre. La série, à chaque saison (notamment la dernière), multiplie les dilemmes moraux, les alliances impossibles, les dénouements aussi violents qu’injustes, illustrant une société où la misère ordinaire pousse à l’impensable. Dans Alice in Borderland, la violence est à la fois métaphorique (survivre à Tokyo, c’est déjà un jeu dangereux) et cathartique : la douleur, la perte d’amis, la trahison deviennent des rituels initiatiques pour affronter le réel. Les deux univers, tout en flirtant avec la surenchère graphique, assument à 100 % cette violence comme révélateur de l’âme humaine.

Le succès monstre de Squid Game saison 3 et l’attente fiévreuse de Alice in Borderland saison 3 démontrent la puissance des séries asiatiques à façonner une écriture du choc, où la violence n’est jamais gratuite mais lue comme révélateur social, politique, ou existentiel. Grâce à une maîtrise du spectacle et une scénarisation millimétrée, la Corée du Sud et le Japon ont su transformer nos peurs en histoires universelles. Où, du sang versé, germe parfois une lueur d’espoir. Alors, si les jeux sont terminés pour Gi-hun, ils ne font que recommencer pour Arisu, et le monde entier sera au rendez-vous pour cette nouvelle saison sous haute tension.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).
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