Roqia au Festival de la mer Rouge : quand le cinéma algérien ravive mon imaginaire d’écrivain
Écrit par Nicolas Dayez - Publié le 1 décembre 2025 - 🕐 5 minutes
Il y a des films qui ne se contentent pas d’être vus : ils continuent d’écrire en nous longtemps après le générique. Roqia fait partie de ceux-là.
Ce qui sera abordé :
Sa sélection au Red Sea International Film Festival n’est pas seulement une bonne nouvelle pour le cinéma algérien ; c’est aussi, pour moi en tant qu’écrivain, le signe qu’un nouveau récit collectif est en train de se construire.
Au centre de ce film, une présence aimantée : Ali Namous, dont le jeu habité redonne au personnage de cinéma une profondeur que je recherche d’ordinaire dans les romans.
Pourquoi Roqia m’intéresse en tant qu’écrivain
Ce qui m’a frappé d’abord, ce n’est pas le prestige du festival, mais la matière narrative que porte le film.
- Un drame psychologique ancré dans la mémoire collective
- Une exploration de la spiritualité contemporaine, loin des clichés
- Une frontière trouble entre croyances populaires, trauma social et quête identitaire
En d’autres termes, exactement ce que j’essaie de faire sur la page : raconter comment un individu se débat avec des forces qui le dépassent – l’Histoire, la famille, la foi, le regard des autres – tout en cherchant sa propre voix.
La mise en scène, sobre et immersive, semble épouser ce mouvement intérieur : peu d’effets, mais une caméra qui s’attarde sur les silences, les regards, les hésitations. C’est ce type d’écriture visuelle qui nourrit mon écriture de fiction : laisser le non-dit parler autant que les dialogues.
Ali Namous : un personnage d’écrivain avant d’être un acteur
Si Roqia me touche autant, c’est en grande partie grâce à Ali Namous.
Son personnage semble écrit pour un roman : hanté, tiraillé entre tradition et modernité, entre raison et croyance, entre culpabilité et désir de rédemption.
Ce qui m’intéresse chez lui, ce n’est pas seulement sa performance, mais la façon dont il incarne la complexité humaine :
- Un jeu en retenue, presque minimaliste
- Une intensité silencieuse, où un simple regard devient une phrase entière
- Des gestes minuscules qui trahissent la lutte intérieure
En tant qu’auteur, j’ai souvent l’impression de chercher ce même point d’équilibre : dire beaucoup avec très peu, charger un détail de tout le poids d’une histoire. Ali Namous, dans Roqia, me rappelle à quel point un personnage n’a pas besoin de crier pour être inoubliable.
Quand le cinéma rejoint l’écriture : thèmes qui m’inspirent
Plus j’observe le parcours de films comme Roqia, plus je mesure à quel point cinéma et littérature dialoguent.
1. La mémoire et le trauma
L’Algérie porte une histoire faite de ruptures, de silences et de cicatrices mal refermées. Le film s’empare de cette mémoire sans didactisme, en la faisant passer par le corps et la psyché d’un seul personnage.
C’est une démarche qui me parle : écrire, pour moi, c’est souvent donner un visage à des blessures collectives.
2. La spiritualité et l’invisible
Le titre même, Roqia, convoque un imaginaire de rituels, de protection, de guérison. Mais le film ne se contente pas de reproduire les croyances : il interroge ce qui se joue derrière elles.
Comme écrivain, j’y vois une piste essentielle : utiliser le mystique non pas comme folklore, mais comme miroir des peurs et des désirs contemporains.
3. L’identité en mouvement
Le personnage interprété par Ali Namous n’est ni un héros, ni une victime pure. Il est dans cette zone grise que j’aime explorer dans mes textes : un être en transition, en déséquilibre, qui cherche comment habiter son époque sans trahir ce qui l’a construit.
Ali Namous, une figure montante qui donne envie d’écrire
Derrière l’acteur, il y a un parcours qui, lui aussi, raconte quelque chose.
Né en 1990 à Skikda, Ali Namous s’est formé au théâtre avant de passer par la télévision et le cinéma. Plus de vingt pièces, des rôles marquants dans des séries, puis des films engagés : Zighoud Youcef, 196 Mètres, et maintenant Roqia.
Ce qui retient mon attention, c’est cette fidélité à des récits ancrés : histoires de territoire, de mémoire, de résistances intimes. Il y a chez lui une continuité qui me rappelle ce que j’essaie d’installer dans mes propres livres : ne pas écrire “sur tout”, mais creuser un même sillon jusqu’à ce qu’il devienne un univers.
Je ne vois pas seulement un comédien prometteur, mais un allié de la narration : quelqu’un qui peut porter à l’écran les mêmes fractures et les mêmes nuances que j’essaie de mettre en mots.
Le Festival de la Mer Rouge, ou comment un film change d’échelle
La présence de Roqia au Red Sea International Film Festival n’est pas qu’un honneur symbolique. C’est une mise en circulation : celle d’histoires venues d’Algérie vers un espace où se croisent l’Arabie, l’Afrique, l’Asie et l’Occident.
Pour un écrivain, voir un film algérien entrer dans ce type de sélection, c’est :
- La preuve qu’il existe un appétit réel pour des récits maghrébins complexes et nuancés
- Un rappel que nos histoires locales peuvent trouver un écho universel
- Une invitation à ne pas écrire “pour plaire”, mais à écrire juste, en assumant nos ancrages
Autour du film, le festival offre rencontres, ateliers, discussions, marchés de coproduction : autant de lieux où l’on mesure que la fiction peut voyager, changer de langue, de support, tout en préservant son noyau émotionnel.
Ce que Roqia change dans ma façon de voir la création
En refermant cette page – ou en sortant de la salle de projection – il me reste surtout une conviction : la création algérienne est en train de raconter quelque chose de neuf, et j’ai envie d’en faire partie, à ma manière.
- En écrivant des personnages aussi habités que celui d’Ali Namous
- En assumant pleinement les zones d’ombre, les contradictions, les tensions entre visible et invisible
- En laissant mes textes dialoguer avec d’autres formes : cinéma, théâtre, séries, performances
Roqia n’est pas seulement un film prometteur : c’est, pour moi, une invitation à continuer d’écrire, à chercher de nouvelles formes pour dire ce qui, longtemps, est resté tu.
En guise de conclusion
Plutôt qu’une simple chronique de festival, j’ai voulu faire de cet article un pont : entre le film et le livre, entre l’écran et la page, entre le travail d’un acteur et celui d’un écrivain.
Si vous découvrez ici le nom d’Ali Namous, gardez-le en mémoire.
Et si Roqia croise un jour votre chemin, peut-être y trouverez-vous, comme moi, une histoire qui ne se contente pas d’être vue, mais qui continue d’écrire en vous.

Jérôme Patalano est un auteur édité et auto-édité de romans d’imaginaire, feel-good et thrillers, avec des personnages queers, et consultant free-lance en communication digitale.
Enfant des années 80 et ado des années 90, la pop-culture a toujours guidé sa vie, jusqu’à la création de plusieurs médias comme Poptimist, mag de pop-culture queer (et pas que).





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