Le cinéma, comme la télévision, est en constante évolution, et avec des adaptations comme « Red, White and Royal Blue », aux côtés des Heartstopper, Love, Victor et consorts, la représentation LGBTQIA+ gagne (enfin !) en visibilité, et sans clichés façon « Cage aux folles ».
Cependant, est-ce que le film tient ses promesses au-delà de son importance pour la diversité ? Bien que célébré pour sa représentation, « Red, White and Royal Blue », sorti chez nous sous le titre de « My Dear F***ing Prince » (merci les éditions Lumen, hein) présente de sacrées lacunes qui ne peuvent être ignorées. Ce billet va donc aller à contre-courant des logorrhées admiratives qui s’accumulent sur les réseaux, je préfère prévenir.
My Dear F***ing Prince sur Amazon : déjà, ça parle de quoi ?
Basé sur le best-seller de l’autrice américaine Casey McQuiston intitulé en VO « Red, White & Royal Blue », le film présente une histoire empreinte de joie, de dimensions LGBTQ+ et de sensualité. Il narre l’histoire de la relation tumultueuse entre Alex Claremont-Diaz (Taylor Zakhar Perez), fils de la première femme présidente des États-Unis (incarnée par Uma Thurman), et le prince Henry (Nicholas Galitzine), membre de la famille royale britannique.
Le synopsis complet : le fils de la présidente américaine, Alex Claremont-Diaz, est un beau parti. Cependant, il a une altercation avec son homologue royal britannique, le prince Henry, prise en photo par des paparazzis. Cette querelle remet en cause les relations diplomatiques anglo-américaines. Les deux familles organisent un rapprochement amical entre les deux jeunes hommes. C’est alors la mise en place d’une trêve obligatoire entre ces deux hommes, conduisant progressivement à réchauffer de manière inattendue leur relation initialement compliquée… Le film sur Amazon
On est passés à côté de quelque chose…
Le très prolifique producteur de télévision américain Greg Berlanti, reconnu pour son travail sur des séries à visibilité queer comme « Arrow », « The Flash » et plus récemment « Titans » ainsi que pour avoir réalisé le film « Love, Simon » en 2018 avait ici l’opportunité de créer une histoire significative avec Matthew Lopez, jeune dramaturge de talent, multi-récompensé par la critique pour ses pièces de théâtre. Malheureusement, « My Dear F***ing Prince » se perd dans les méandres des clichés romantiques… à l’image de ceux hétérosexuels. On aurait pu espérer que cette histoire LGBTQIA+ unique échappe aux schémas prévisibles, mais non, elle suit malheureusement la voie familière de la comédie romantique archi-standard.
My Dear F***ing Prince : Des personnages qui manquent cruellement de profondeur
Bien que les protagonistes soient des figures importantes pour la représentation LGBTQIA+, leur développement est resté très en surface. Ils ressemblent davantage à des archétypes qu’à des individus authentiques, et cela diminue la possibilité de se connecter émotionnellement avec eux. Alex Claremont-Diaz et le prince Henry semblent vivre dans un monde où les vraies difficultés sont minimisées, ce qui les rend moins réalistes et empathiques. Ils vivent dans une bulle où les complications sont très vite balayées d’un revers de la main. Développons.
Des tensions très éphémères
Parlons-en des complications. Un aspect décevant de « My Dear F***ing Prince » est la façon dont le film traite les moments dits « de tension ». Les rares obstacles qui se dressent face aux personnages sont tout de même très vite écartés, laissant une sensation d’inaccompli. Le face-à-face entre le prince Henry et son père, le roi d’Angleterre (surprenant Stephen Fry !) en est un bel exemple. Les dialogues étaient creux. Disons-le. La tension, vite évacuée…
La vie n’est pas exempte de défis, surtout quand on est queer (j’en sais quelque chose), et ces héros semblent naviguer dans un monde qui ne reflète pas la complexité de la réalité. Cela affaiblit la crédibilité de l’histoire et limite son potentiel émotionnel. Alors certes, on est dans une romance et on ne veut peut-être pas voir de problèmes. Mais quand un livre de cette notoriété est adaptée par deux hommes fièrement queer comme Greg Berlanti et Matthew Lopez, on aurait pu s’attendre à « plus ». À mieux.
My Dear F***ing Prince : quelques points positifs tout de même (soyons pas vaches)
Un point positif dans « My Dear F***ing Prince » est la manière dont le film a capté les scènes… de sexe entre les personnages masculins. Elles y sont réellement osées et réalistes, apportant une note d’authenticité rarement vue dans des films grand public aux thèmes LGBTQIA+. Oui, c’est comme ça que deux garçons b****, les gens. Cependant, ces scènes, nombreuses (très certainement pour faire du fan-service – j’avoue, je n’ai pas craché dessus) ne peut pas sauver un récit qui, par ailleurs, manque de profondeur et de substance.
Autre point positif : quel casting ! Outre les deux garçons qui sont très beaux (ne niez pas), on a également Uma Thurman en présidente Américaine plutôt crédible, Rachel Hilson (qu’on avait vue dans la série « Love, Victor » – on l’adore), Stephen Fry (acteur ouvertement queer) et Sarah Shahi (excellente et très drôle, qui a eu la très bonne idée de quitter la daubesque série Netflix « Sex/Life »), qui apportent tous un vent de fraîcheur à cette adaptation.
En fin de compte, « My Dear F***ing Prince » en film peut être considéré comme un vrai pas en avant pour la représentation LGBTQIA+ dans le cinéma grand public, sans pour autant masquer ses défauts. Malgré son importance en termes de diversité, le film sombre dans les clichés des comédies romantiques conventionnelles, négligeant le potentiel d’une histoire unique et authentique. Les personnages sans profondeur, les tensions éphémères et le manque de réalisme général minent l’impact émotionnel de l’œuvre. Alors que le film peut être applaudi pour ses scènes intimes authentiques, il ne mérite pas nécessairement le buzz excessif qu’il a reçu. Il est essentiel de célébrer la diversité dans le cinéma, mais il est également important de rester critique et exigeant pour que les histoires reflètent la complexité de la vie réelle. À bon entendeur pour une éventuelle suite.